L’essentiel de l’actualité de l’immigration au Québec
#28
À l’image d’un printemps qui tarde à arriver, l’immigration peine à sortir de sa torpeur. La campagne, qui s’est achevée par une quatrième victoire libérale consécutive lors des élections fédérales du 28 avril a certes mis un frein aux nouvelles. Et le peu qu’on attendait, notamment le début des consultations publiques en vue de la Planification de l’immigration au Québec, a été reporté sine die.
Or, si les va-et-vient tarifaires de l’administration Trump font toujours planer de fortes incertitudes sur le terrain de l’emploi, on relève que le mois d’avril aura été porté par le sujet de l’intégration. Le français était à l’honneur, bien sûr, avec lancement du programme de l’OQLF « Le français au cœur de nos ambitions », concomitant à la publication des bons chiffres de fréquentation de Francisation Québec.
La société civile n’est pas en reste, avec la sortie d’une nouvelle série en six épisodes par Savoir média, intitulé Devenir Keb, ou encore la TCRI, qui publie son guide des Stratégies inclusives en emploi.
La TCRI qui s’est, d’ailleurs, également invitée, dans les discussions autour du Projet de loi 84 pour l’intégration nationale, toujours débattu.
Direction
Christophe Berthet
Coordination éditoriale
Basile Moratille
Rédaction
Marine Caleb
Basile Moratille
Conception Web
Soufian Ajlani
Photo
Unsplash,
Immigrant Québec
Édité par
Immigrant Québec
115 rue Prince-Arthur Est
Montréal H2X 1B5
(Québec) Canada
Les textes contenus dans ce recueil n’ont aucune valeur contractuelle. La reproduction totale ou partielle des textes est interdite sans accord préalable de l’éditeur.
Le 7 avril 2025, Québec a annoncé son intention de reporter les consultations publiques pour la Planification de l’immigration, qui devaient débuter au printemps.
Le gouvernement justifie sa décision par les élections fédérales anticipées du 28 avril et les incertitudes qu’elles font peser sur les tendances à venir en matière d’immigration au niveau national.
Cette planification concernera au moins l’année 2026, mais sera sûrement réévaluée après les élections provinciales du 5 octobre 2026. Pour la première fois, elle définira les cibles d’immigration permanente et temporaire (travailleurs et étudiants étrangers). La planification intervient après la suspension de deux programmes d’immigration permanente en automne 2024.
Le 25 mars 2025, Québec a déposé le Budget de dépenses du gouvernement du Québec pour l’exercice 2025-2026.
Le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) enregistre un budget de 806,1 millions de dollars, en hausse de 28,8 M$ par rapport à l’an dernier.
Sur le terrain des réactions, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) regrette la faiblesse de l’enveloppe réservée à l’intégration, notamment celle réservée au Programme d’accompagnement et de soutien à l’intégration (PASI), réduite de près de 4 M$, ou celle du Programme d’aide financière pour la formation d’appoint en reconnaissance des compétences, en baisse de 2 M$.
Seuls le Programme de Soutien à la mission (pour les organismes communautaires) et la francisation voient leur budget augmenter.
Ces dernières semaines, le sujet du passage à la frontière canado-américaine a fait les manchettes, parfois de manière contradictoire.
Le nombre de demandes d’asile au point d’entrée a baissé de 30 % à 40 % au Québec par rapport aux années précédentes. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, comme la fermeture du chemin Roxham, la modification de l’Entente pour les tiers pays sûrs, mais aussi l’imposition par Ottawa d’un visa aux ressortissants mexicains et le durcissement du visa touriste pour plusieurs pays comme l’Inde.
Cependant, à travers cette baisse globale, 32 % des demandes d’asile déposées entre janvier 2025 et mars 2025 l’ont été au Québec, selon les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Dans le même temps, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) constate une augmentation du nombre d’entrées de demandeurs d’asile à certains points d’entrée, comme au poste-frontière de Saint-Bernard-de-Lacolle. Leur nombre a doublé au mois de mars 2025 par rapport au même mois en 2024, et la tendance semble se poursuivre en avril.
Alors que plusieurs cas difficiles ont été rapportés à la frontière canado-américaine, Ottawa a mis à jour, le 4 avril 2025, ses conseils aux voyageurs qui se rendent aux États-Unis.
Les voyageurs doivent désormais s’attendre à des contrôles minutieux à la frontière américaine. Cela comprend des fouilles de leurs appareils électroniques. Le Canada recommande la franchise avec les autorités.
Autre nouveauté, si l’entrée est refusée, on s’expose au risque d’une détention en attendant d’être expulsé. À tout moment, les autorités américaines peuvent demander une preuve de statut légal aux États-Unis.
Ces annonces font suite aux changements de visa pour les citoyens canadiens qui ont eu lieu au début d’année.
Les politologues Mireille Paquet et Anna K. Boucher ont publié une étude sur les délais d’immigration, leurs causes et les enjeux politiques de ces délais.
Les délais apparaissent comme éminemment politiques, et ils façonnent, par conséquent, la politique migratoire.
Disponible en anglais, le texte explore les causes des délais de traitement, au-delà du manque de ressources qui est souvent invoqué, contrairement aux motifs liés aux systèmes informatiques, ou encore à une mauvaise élaboration de certaines politiques.
Les chercheuses s’emploient ainsi à démontrer que les délais résultent de facteurs qui sont à la fois administratifs et stratégiques.
Les chercheuses montrent que des solutions sont possibles pour réduire ces délais. Elles proposent par exemple de prioriser ou d’orienter certaines catégories en créant de nouveaux programmes, sur le modèle du « supervisa » de 10 ans, créé pour les parents et les grands-parents pour compenser les failles du programme de réunification.
Le 30 avril 2025, le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) a annoncé un nouveau record de fréquentation de son service Francisation Québec.
À l’occasion de cette nouvelle, le MIFI a annoncé l’investissement de 119,4 millions de dollars pour 2025-2026 en partenariat avec le ministère de l’Éducation, destiné à stabiliser les partenariats avec le réseau de l’éducation.
En effet, le nombre de personnes qui ont reçu des cours de francisation a augmenté de 25 % entre 31 mars 2024 et le 31 mars 2025. Plus de 90 000 personnes ont reçu des services de Francisation Québec grâce à un réseau de partenaires comprenant 46 OBNL, 20 cégeps, 4 universités et 63 centres de services scolaires et commissions scolaires.
Francisation Québec compte aussi mettre en place des modules d’apprentissage en ligne pour les adultes.
Comme chaque année, le Prix Solange-Chalvin sera remis lors de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles. L’appel à candidatures est ouvert jusqu’au 18 juin.
Ce prix, organisé par le MIFI, en collaboration avec Culture pour tous, récompense les efforts de personnes qui ont appris le français au Québec, mais aussi de celles qui ont contribué à la francisation, comme le personnel enseignant ou les personnes accompagnant les personnes immigrantes.
La TCRI a publié un mémoire le 19 mars 2025 en réponse au Projet de loi 84 pour l’intégration nationale.
La Table propose de se diriger « vers un modèle d’intégration inclusif fondé sur le dialogue interculturel ». Le projet de loi 84 est toujours en discussion, et vise à renforcer l’identité nationale québécoise, notamment par la création d’un contrat social.
La TCRI s’interroge sur le traitement réservé par le projet de loi à certains enjeux d’inclusion, qui semble s’axer davantage sur le français que sur l’intégration prise au sens large.
Elle salue cependant la volonté de légiférer pour un modèle d’intégration cohérent.
L’organisme à vocation éducative Savoir média a dévoilé les épisodes de sa nouvelle série Devenir Keb.
À travers six épisodes de trente minutes, la série donne la parole à des personnes immigrantes, certaines à peine arrivées au Québec, d’autres nées ici, sur les enjeux auxquels elles font ou ont fait face dans leur processus d’intégration.
Gratuit, ce contenu met en avant les différents défis de l’immigration, selon une approche multigénérationnelle, à commencer par l’arrivée, la francisation, l’intégration socioprofessionnelle jusqu’à l’enracinement.
La série est notamment disponible sur le site de Savoir média.
L’Office québécois de la langue française (OQLF) a lancé son programme « Le français au cœur de nos ambitions ».
L’Office appelle toutes les organisations (entreprises, établissements postsecondaires, associations) à déposer leur idée de projet pour faire rayonner le français dans leur secteur ou leur région.
Une aide financière de maximum 125 000 $ CAN sera versée aux projets.
Seront sélectionnés en priorité les projets qui répondent à deux critères :
De même, certains secteurs seront prioritaires, comme les technologies de pointe et du numérique ou le commerce de gros.
Les organisations ont jusqu’au 19 mai 2025 pour postuler.
Pour renforcer la présence et l’usage du français au Québec, le ministère de la Langue française (MLF) a mis en place une large campagne de promotion intitulée Ça.
Le deuxième volet de la campagne lançait un défi aux influenceurs de la province pour « faire briller la richesse du français », dans le but de montrer comment utiliser le français dans sa vie quotidienne, de la maison aux commerces, en passant par les sorties culturelles. Huit influenceurs ont participé.
Cette campagne s’inscrivait dans la volonté du gouvernement de renforcer le français en marge de la mise à jour de la Charte de la langue française et de la mise en place du Plan pour la langue française.
Depuis le 4 avril 2025, les demandes d’EIMT présentées par les entreprises basées dans RMR de Drummondville pour les postes à bas salaire ne sont plus recevables.
Emploi et Développement social Canada (EDSC) a mis à jour les taux de chômage de référence des régions métropolitaines de recensement (RMR) au Canada.
Ce dernier permet de déterminer les RMR dans lesquelles les demandes d’Évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT) présentées dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) pour des postes à bas salaire seront admissibles ou pas.
Pour rappel, en septembre 2024, Ottawa avait imposé que les demandes d’EIMT ne soient pas traitées dans les RMR où le taux de chômage dépasse 6 %. Cela concerne le Programme des travailleurs temporaires dans le cadre du volet des postes à bas salaires.
Le taux de chômage de référence est mis à jour tous les trois mois. La prochaine mise à jour aura lieu le 11 juillet 2025.
La RMR de Drummondville, avec un taux de chômage de 8 %, rejoint ainsi celle de Montréal, qui demeure privée d’EIMT pour les postes à bas salaire depuis l’introduction de la mesure.
La TCRI et son Réseau national des organismes spécialisés dans l’intégration en emploi des Nouveaux Immigrants (ROSINI) ont publié leur guide Stratégies inclusives en emploi.
Le but de ce guide est de donner des outils aux acteurs dans le domaine de l’emploi pour mettre en place des stratégies inclusives en emploi destinées aux personnes immigrantes ou réfugiées. De telles stratégies permettent à cette population d’avoir plus d’accès au marché du travail et de mieux s’intégrer en emploi.
Le guide se destine aux gestionnaires, employeurs, mais aussi aux personnes intervenant dans l’accompagnement en emploi. Il identifie les meilleures pratiques d’inclusion, les besoins des organismes et entreprises, propose des outils aux accompagnants et du soutien aux entreprises pour lutter contre le racisme et la discrimination.
Le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec (MEIE) a publié un premier rapport intitulé Les entrepreneurs du Québec en chiffres, portrait sociodémographique.
Cette nouvelle publication établit un portrait de l’entrepreneuriat au Québec en comparaison avec le reste du Canada, que ce soit à travers le genre, la population immigrante ou native, le niveau de scolarité, l’âge ou le lieu de vie.
Que ce soit au Québec ou au Canada, le pourcentage d’entrepreneurs parmi les personnes immigrantes arrivées il y a plus de 10 ans est plus élevé que chez les personnes nées ici. Au Québec, ce taux est de 2,2 % pour les immigrants et de 1,8 % pour les personnes nées au Canada. Dans le reste du Canada, il atteint 3,2 %, contre 2,3 % pour les natifs.
Le conflit sur les tarifs douaniers avec les États-Unis a eu des impacts économiques au Canada. Parmi eux, une perte de 100 000 à 160 000 emplois au Québec seulement.
Alors que le pays serre la vis à l’immigration, les travailleurs étrangers temporaires (TET) risquent de pâtir de ces changements tarifaires, dans un contexte réglementaire déjà défavorable.
Selon un sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) réalisé entre novembre 2024 et janvier 2025, 90 % des PME ne pensent pas pouvoir remplacer les postes occupés par des TET.
Après l’imposition d’une hausse des droits de scolarité aux étudiants canadiens hors Québec, les universités anglophones McGill et Concordia avaient chacune poursuivi le gouvernement en février 2024.
Le 24 avril 2025, la Cour supérieure a en partie donné raison aux établissements.
L’augmentation de 9 000 $ CAN à 12 000 $ CAN par an de frais pour les étudiants canadiens non résidents du Québec serait quant à elle infondée. Le ministère de l’Enseignement supérieur devra modifier les droits de scolarité en fonction du jugement dans maximum 9 mois.
Même chose pour la francisation des étudiants, pour laquelle il n’y a pas de preuve objective que cela permettrait de freiner l’érosion du français. Cette mesure n’est plus effective depuis le jugement.
Pour son édition du printemps 2025, le Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec (SIIQ) se dote d’un espace dédié aux demandeurs d’asile.
La zone, qui proposera des services personnalisés, est proposée avec la collaboration du Centre d’appui aux communautés immigrantes (CACI). Les visiteurs y trouveront des services personnalisés d’accompagnement, ainsi que des ressources et des renseignements (simulation d’entrevue, aide à la rédaction d’un CV, soutien administratif, etc.).
Comme chaque salon, cet événement est le moment de faire se rencontrer personnes immigrantes, employeurs et organismes communautaires de l’ensemble du Québec.
Le Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec se tiendra les 14 et 15 mai 2025 au Palais des congrès de Montréal. L’entrée est gratuite, mais sur inscription obligatoire.
Le 4 avril 2025 a marqué le quarantième anniversaire de la Journée canadienne des droits des réfugiés.
Il y a 40 ans, la Cour suprême établissait dans la décision Singh que Charte canadienne des droits et libertés protège les droits fondamentaux des réfugiés.
Chaque année, le Conseil canadien pour les réfugiés souligne cet anniversaire pour rappeler « l’importance de poursuivre la lutte en faveur de ces droits ».
Depuis le 25 mars 2025, le document de la personne en demande d’asile (DDA) est remplacé par le document d’identité du demandeur d’asile (DIDA).
De plus, le DIDA doit être demandé en ligne, et ce depuis le 1er avril 2025. Les demandes de documents envoyés par la poste ne sont plus acceptées.
Les DDA non expirés sont toujours valides. Mais les DDA et DIDA expirés ou périmés ne sont plus considérés comme valides.
Il faut désormais se rendre sur cette page pour comprendre la démarche et demander son document.
En 2024, le Québec a versé 507,7 millions de dollars en aide sociale aux demandeurs d’asile, selon les données du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS).
Cela correspond à une hausse de 37 % par rapport à 2023 (369,4 M$). Comparativement, le nombre de demandeurs d’asile titulaires de l’aide sociale n’a augmenté que de 6 % entre 2023 et 2024.
Cette aide sociale permet de soutenir les personnes attendant le traitement de leur demande et l’acceptation de leur permis de travail. Un temps qui peut s’étaler sur 11 à 13 mois. Elle est aussi octroyée à tout ménage qui compte au moins un demandeur d’asile.
Québec estime que la hausse du montant de l’aide sociale est attribuable aux délais du gouvernement fédéral. De fait, Québec entend demander à ce dernier un remboursement, comme il l’avait fait en 2024.
Après la victoire des libéraux lors des élections fédérales du 28 avril 2025, intéressons-nous au programme de premier ministre élu Mark Carney en matière d’immigration.
Durant la campagne, M. Carney avait exprimé son intention « d’ajuster les niveaux d’immigration » afin de parvenir à un « rythme soutenable » pour la société d’accueil autant que pour les nouveaux arrivants, tant au niveau du logement que des infrastructures sociales.
On peut donc s’attendre à des politiques dans la lignée de la dernière année : renforcer l’immigration francophone, renforcer l’intégrité du système d’immigration et à la frontière, poursuivre l’abaissement de la part de l’immigration temporaire à maximum 5 % de la population canadienne, et diminuer les admissions de résidents permanents.
Dans son programme, le PLC propose aussi de soutenir l’aide juridique des demandeurs d’asile et des réfugiés, ou encore de renforcer la collaboration entre provinces, territoires et fédéral, notamment en matière de reconnaissance des titres de compétences étrangers, tout en respectant le statut spécial et les prérogatives du Québec.
Le 4 avril 2025, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a dévoilé que trois entreprises ontariennes ont été condamnées pour embauche illégale de personne étrangère.
Les entreprises ont été condamnées à payer des amendes comprises entre 25 000 $ CAN et 400 000 $ CAN. L’enquête avait débuté en 2019 lors de l’arrestation pour conduite avec facultés affaiblies d’un des 700 ressortissants étrangers employés sans autorisation. Plusieurs ont depuis été renvoyés.
184 enquêtes criminelles sont actuellement ouvertes pour des infractions présumées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.