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Si, au Québec, discuter de ses nouveaux achats ou de ses projets de voyage est courant, exposer son talon de paie ou son relevé de placements, en revanche, est pour ainsi dire tabou. Une pudeur collective à l’égard de l’argent qui n’est certes pas propre au Québec, mais qu’il est important de bien intégrer pour un nouvel arrivant. Éléments d’explication.
Demander à ses collègues combien ils gagnent, est-ce acceptable ? On évite habituellement de poser la question directement, car celle-ci pourrait être jugée indiscrète. D’autant plus que certaines entreprises exigent de leurs employés qu’ils demeurent discrets quant à leur salaire. Près du quart des Canadiens estiment que l’argent est un sujet aussi tabou que le sexe, la politique et la religion, selon un sondage mené par FP Canada en 2020. Jusqu’à tout récemment, parler de finances était même un thème délicat au sein… du couple québécois ! Heureusement, les nouvelles générations semblent beaucoup moins complexées, de sorte que la question des salaires, des dettes ou des placements est plus facilement abordée, surtout entre proches.
La faute de l’Église ?
Pour mieux comprendre la relation qu’entretiennent les Québécois avec l’argent, il est essentiel de savoir que la société fut longtemps dominée par les valeurs de l’Église catholique, qui ne portait pas un regard bienveillant sur les richesses matérielles. Par conséquent, les personnes privilégiées tentaient de dissimuler leur fortune ou de donner aux moins bien nantis. Même si l’influence du religieux est révolue, force est de constater que le bagage judéo-chrétien teinte encore aujourd’hui le manque d’aisance avec laquelle un Québécois expose sa richesse — ou, au contraire, ses difficultés. En revanche, la classe moyenne serait plus à l’aise d’en discuter… à demi-mot, c’est-à-dire sans tout révéler en détail.
Un tabou qui persiste
Avec l’inflation croissante et la stagnation des salaires, le malaise demeure bien présent. La classe moyenne tend à s’appauvrir, de sorte que de plus en plus de gens connaissent une précarité économique. Certains se retrouvent dans une situation plus difficile, ce qui les rend moins enclins à discuter ouvertement de leurs moyens financiers. Environ 86 % des Québécois ont déclaré ressentir un stress financier, et 44 % ont même affirmé éprouver un niveau d’angoisse modéré à extrême, selon un sondage Léger diffusé en 2023. Le même sondage révèle qu’un tiers des Québécois s’abstiennent de regarder leur compte bancaire pour minimiser leur stress.
Vent de changement à l’horizon ?
Ces dernières années, on observe de nombreuses initiatives qui visent à aider la population à mieux maîtriser ses finances personnelles (livres, formations, applications, etc.) ainsi qu’un désir de transparence des salaires. À l’Île-du-Prince-Édouard, par exemple, les entreprises sont désormais tenues d’afficher une échelle de rémunération dans leurs offres d’emploi. Ce n’est pas le cas au Québec, mais certaines entreprises ont volontairement choisi de dévoiler les salaires de leurs employés. L’objectif ? Limiter les gros écarts de revenus et donner aux employés le sentiment d’être respectés. La tendance est-elle pour autant vouée à transformer le marché de l’emploi ainsi que le rapport des Québécois avec l’argent ? Seul l’avenir le dira…
Photo : Matthieu Stern