À l’été 1976, Montréal signait son entrée dans l’histoire olympique. Du 17 juillet au 1er août, la ville accueillait les premiers Jeux d’été organisés au Canada. Derrière la façade du fameux stade de la ville, quel aura été l’impact des Jeux de 1976 sur le Québec d’aujourd’hui ?
À Montréal, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, se tient l’un des derniers vestiges architecturaux de l’épopée olympique. L’immanquable stade olympique, part intégrante de la carte postale montréalaise, ravive le souvenir de l’été 1976 où se sont déroulées les 21e olympiades de l’ère moderne.
Montréal a été la première ville canadienne à organiser cet événement sportif, avant Calgary à l’hiver 1988 et Vancouver, à l’hiver 2010. Après l’Expo universelle de 1967, le maire Jean Drapeau veut « hisser la ville québécoise au rang des grandes métropoles du monde. » En 1970, en pleine Guerre froide, Montréal profite d’un léger avantage de voix sur Los Angeles au premier tour du scrutin de désignation de la ville-hôte, et finit par l’emporter contre Moscou, bénéficiant du report de voix de l’ensemble du bloc de l’Ouest. Malgré le boycott de Taiwan et de plusieurs pays africains, la compétition réunit 92 pays et un peu plus de trois millions de spectateurs.
Une icône controversée
Le Parc olympique, situé à deux pas de la station de métro Pie IX, sur la Ligne verte, témoigne de la frénésie de cet été-là. Le stade et sa tour de 165 mètres inclinée à 45°, la plus haute du genre au monde. Une fierté pour certains, un souvenir douloureux pour d’autres. Plus d’un milliard de dollars auront été nécessaires pour la construction de cette infrastructure, comme l’a révélé le rapport du juge Albert Malouf en 1980 (voir note), contre les 310 millions prévus à l’origine. Ce n’est qu’en 2006 que la métropole finira d’éponger cette dette.
« On connaît le désastre. Le stade est aujourd’hui très peu utilisé. Il avait été conçu pour l’événement et pour que les équipes de baseball, les Expos de Montréal, et les Alouettes, au football (américain, ndlr), l’utilisent par la suite. C’est ce qu’il s’est passé pendant un certain temps. Mais ensuite, ils ont préféré aller jouer ailleurs », explique Paul Foisy du Centre d’histoire de Saint-Hyacinthe et rédacteur en chef de Sport et société. Aujourd’hui, l’activité sportive du stade se résume, pour l’essentiel, à son Centre sportif, essentiellement tourné vers la natation grand public.
De manière générale, la destruction, l’inoccupation et la réaffectation de beaucoup des infrastructures olympiques à des fins autres que sportives ont été largement mises en cause au cours des années qui ont suivi les Jeux de Montréal, à l’image du vélodrome, transformé en l’actuel Biodôme. Tout aussi décriée, la construction d’un nouveau stade, plus modeste, pour héberger l’équipe de soccer de la ville (l’Impact de Montréal), juste à côté du stade olympique. Le Complexe sportif Claude-Robillard, construit pour les épreuves de handball et de water-polo, ainsi que de centre d’entraînement multisports, constitue certainement le meilleur et l’un des seuls exemples d’une infrastructure sportive d’excellence imaginée sur le long terme.
Pour autant, c’est au stade que les meilleurs athlètes amateurs de la province ont été récompensés en mai 2016, lors d’un gala organisé en l’honneur du 40e anniversaire de l’organisation des Jeux à Montréal. À cette occasion, Michelle Gendron, alors coordinatrice aux communications de Sports Québec, a rappelé qu’il est « souvent question des coûts élevés de construction lorsqu’on fait référence aux Jeux de 1976, mais les gens oublient trop vite qu’ils ont constitué un moment clé dans le développement du sport au Québec. Ça s’est traduit par une présence massive d’athlètes québécois au sein des délégations olympiques canadiennes. »
Paul Foisy abonde dans ce sens. Pour l’auteur d’une biographie consacrée au marathonien Gérard Côté, l’héritage des JO ne saurait être résumé à la dette qu’ils ont générée. Leur impact social n’en a pas moins été positif et durable.
Un coup de pouce décisif au développement du sport au Québec
Les Jeux olympiques de 1976 à Montréal ont permis de mettre en lumière certains sports réservés jusque-là à une population majoritairement anglophone. « Pour les Canadiens français, avant les années 1960, le monde sportif se résumait beaucoup au hockey en hiver et au baseball à l’été. Quand les JO sont arrivés, cela a permis aux autorités de démocratiser certains sports totalement méconnus au Québec. »
Selon le chercheur en histoire, les Québécois ont pu en découvrir davantage sur les sports comme le handball, la course à pied, le basketball, la natation et bien sûr la gymnastique, médiatisée grâce aux exploits d’une jeune Roumaine de 14 ans, Nadia Comaneci.
43 ans plus tard, si de nombreux sports sont pratiqués, l’engouement pour certaines disciplines n’est plus le même. « Après la recrudescence de licenciés, il y a eu un essoufflement. Aujourd’hui, nous avons pris un rythme de croisière, avec des hausses et des baisses en lien avec l’actualité sportive », ajoute Paul Foisy.
Pour la sociologue Suzanne Laberge, il est important de souligner l’impact « relatif » des Jeux olympiques. « L’impact des Jeux s’atténue d’année en année. Nous sommes passés à autre chose », affirme la professeure à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de Montréal (EKSAP) à l’Université de Montréal.
La sociologue estime que, outre les infrastructures comme le stade olympique, il est difficile de quantifier et de désigner quelconque trace laissée par les olympiades sur la société québécoise actuelle. Suzanne Laberge ajoute : « Je pense que l’Expo 67 a plus marqué les boomers que les JO. C’était une épopée plus réussie. »
Note : En 1977, une commission d’enquête est créée pour faire toute la lumière sur le coût des 21e olympiades et de ses installations au Québec. Trois ans plus tard, le juge Albert Malouf rend un rapport dans lequel les chiffres fournis par les experts de la commission ont indiqué que le coût des Jeux est passé de 310 millions de dollars à plus d’un milliard en 1976. Dans ce document, le juge parle « d’irresponsabilité administrative », « d’abandon de la notion de jeux modestes » ainsi que d’une absence de budget global établi dès le début comme facteurs de l’augmentation importante des coûts pour financer l’événement. Le maire de l’époque, Jean Drapeau et l’architecte-conseil, Roger Taillibert, sont pointés du doigt.