À l’occasion de la Semaine canadienne de l’accessibilité, faisons l’état des lieux de l’accessibilité des services et des droits des personnes handicapées — une compétence partagée qui laisse aux provinces les coudées franches en la matière.
Au Québec comme ailleurs, l’accessibilité est un sujet sensible. Hormis quelques exceptions et projets pilotes, comme « Destination pour tous », mené à Victoriaville, dans la région du Centre-du-Québec, le travail est immense pour que les personnes présentant un handicap, physique ou mental, bénéficient, elles aussi, de l’accès aux services de la vie quotidienne, sans distinction : espaces communs, transports, bâtiments publics, installations de loisirs, mais aussi aux commerces et aux restaurants, au numérique, à la culture, à la vie citoyenne, et, bien évidemment, à l’emploi. Les enjeux de l’accessibilité sont ceux de l’inclusion de tous dans la société, sans distinction.
Au Québec, la loi à l’épreuve des faits
Dans la province, le débat sur l’accessibilité ne date pas d’hier. En 1975, la Charte des droits et libertésinterdit la discrimination basée sur le handicap. Dans la foulée, le Code de la constructions’adapte pour que les bâtiments à construire soient désormais accessibles. En 1978, une « Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées » est aussi adoptée. Une loi qui ne concerne à ce jour que le secteur public, y compris depuis son amendement en 2004.
Mais ces dispositions ne résistent pas à l’épreuve des faits. En 2019, certaines dispositions ne sont toujours pas appliquées. On continue de construire des édifices non ou trop peu accessibles, notamment dans le secteur privé ; et l’on ne compte pas les bâtiments déjà construits qui présentent des obstacles insurmontables à certains handicaps, puisque les immeubles publics antérieurs à 1976 ne sont tenus à une mise aux normes d’accessibilité qu’en cas de rénovation majeure. Des exemples de bonnes pratiques existent, comme en témoigne la page Accessibilité réseau de la Société de transport de Montréal. Mais, de manière générale, les personnes qui ont des besoins spécifiques en terme d’accessibilité se disent encore trop souvent discriminées, notamment dans le monde du travail.
Des recours insuffisants
Bien sûr, des recours existent pour les personnes qui estiment que leurs droits sont bafoués. Pour un litige touchant au secteur privé, il est possible de porter plainte auprès de la Commission des droits et libertés, qui a le pouvoir d’enquêter et de décider de porter le cas devant le tribunal des droits de la personne. Mais la solution est loin d’être idéale. De fait, elle implique de traiter chaque situation au cas par cas, cela pouvant parfois durer des années. En clair, pas de quoi permettre à l’intégralité de la province d’évoluer.
Comment changer les choses ? Pour l’organisme Québec accessible comme pour d’autres, le changement passe par une loi coercitive, qui obligerait graduellement toutes les structures concernées à intégrer la variable accessibilité à leurs opérations, sous peine de sanction. « Et ce, sans que qui que ce soit ait, à chaque fois, besoin d’engager une procédure, comme c’est le cas aujourd’hui », précise Melanie Benard, avocate en droit du handicap et co-fondatrice Québec accessible.
Vers le modèle américain ?
Cette solution serait un moyen de faire avancer radicalement une question qui, malgré l’évolution graduelle des mentalités, a clairement stagné. « Le Québec accuse un retard important comparé aux autres provinces », déplore à ce titre Melanie Benard. « L’Ontario a adopté une loi sur l’accessibilité en 2005. Depuis, deux autres provinces ont promulgué des lois similaires : le Manitoba et la Nouvelle-Écosse. »
Mais cela pourrait bientôt changer. Ces derniers mois, un projet de loi portant sur l’accessibilité — le projet C-81— est en discussion au niveau fédéral. Si celui-ci est adopté, ce qui, selon Mme Bénard, semble tout à fait envisageable, les structures gérées par le gouvernement fédéral, entre autres les banques, les aéroports, les avions, les trains ou les télécommunications, deviendront alors des exemples en matière d’accessibilité. De quoi, en tout cas, donner une impulsion nouvelle, une direction claire et un modèle à destination des provinces.
Un pas de plus, et une manière, pour le Québec, de se rapprocher du niveau d’accessibilité de son voisin américain qui, avec son American with Disabilities Act(ADA), adopté en 1990, est considéré par beaucoup comme un modèle à suivre.
En attendant, les personnes invalides et souffrant de handicaps peuvent obtenir aide et écoute auprès d’organismes québécois spécialisés, parmi lesquels Ex aequo, pour la promotion et la défense des droits des personnes ayant une déficience motrice, Kéroul, qui œuvre depuis 40 ans pour l’accès au tourisme et à la culture pour les personnes à capacité physique restreinte, ou encore l’Association multiethnique pour l’intégration des personnes handicapées, qui regroupe des personnes handicapées issues de l’immigration et des communautés ethnoculturelles.
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Du 26 mai au 1er juin 2019, le Canada célèbre la Semaine nationale de l’accessibilité. Pour en savoir plus, consultez le site de l’événement !