Le 1er juin 2022, une étude sur l’immigration économique au Québec a été publiée par l’Institut du Québec (IDQ). L’étude s’intéresse particulièrement à l’intégration économique des travailleurs étrangers et aux besoins du marché du travail, avec l’objectif « d’améliorer les stratégies d’attraction, d’intégration et de rétention des immigrants au Québec ».
Le bilan dressé par l’étude est positif, notamment en raison des efforts déployés ces dernières années pour accueillir davantage de travailleurs étrangers temporaires, et travailler à une meilleure intégration des personnes immigrantes pour les maintenir dans la province.
Un travail considérable et certes bénéfique, mais à replacer dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre importante au Québec, qui connaît une flambée depuis 2017. D’ici à 2026, ce sont 1,4 million d’emplois qui seront vacants, un chiffre connu depuis 2018. Et selon les estimations de Québec en 2018, 22 % de ces emplois seront comblés par des immigrants.
Cette donnée est importante, car la conjonction reprise post-COVID et pénurie de main-d’œuvre offre un terrain plus favorable aux personnes immigrantes : les postes sont nombreux et les employeurs, même en région, sont plus enclins à recruter des personnes issues de l’immigration, en particulier lorsqu’elles sont déjà au Québec.
Conditions de vie
Concernant les conditions de vie des personnes immigrantes, l’étude se concentre surtout sur les taux d’emploi/de chômage, ainsi que sur le niveau de salaire. Si le taux de chômage chez les personnes immigrantes a chuté entre 2012 (12,7 %) et 2022 (5,3 %), il est cependant à prendre avec quelques réserves. De fait, l’amélioration constatée par l’étude, si elle concerne la période 2012-2022, n’est vraiment observable que depuis très récemment. Ainsi, le taux de chômage chez les personnes arrivées au Québec depuis 5 ans ou moins s’élevait toujours à 11,1 % en 2019, juste avant la pandémie de COVID-19. Comparativement, la même année, environ 5 % des personnes nées au Québec étaient au chômage, de même que les personnes arrivées depuis plus de 5 ans, selon des données du MIFI. Ces données montraient que l’intégration à l’emploi juste avant la pandémie était encore difficile pour les nouveaux arrivants.
Les auteurs mentionnent que la stratégie visant à privilégier l’immigration temporaire, au détriment de l’immigration permanente, a ses limites, car elle précarise les personnes immigrantes. Le statut temporaire porte en effet son lot d’incertitudes pour leurs titulaires : un statut lié à l’emploi occupé, les risques en cas de conditions de travail abusives, un permis à renouveler souvent, des droits mal connus, etc.
C’est sans oublier le taux déqualification des personnes immigrantes (53 % en 2018), la difficile accessibilité à la reconnaissance des acquis et compétences, mais aussi les discriminations. Aussi, la pandémie de COVID-19 a montré que durant une crise, ce sont les populations vulnérables qui pâtissent le plus (taux de contagion plus élevé, perte d’emploi, réduction d’heures, isolement, difficulté d’accès des aides gouvernementales, langue, coût des soins et services, etc., selon un rapport de l’Association pour la santé publique du Québec [ASPQ]).
Seulement, les auteurs de l’étude ne détaillent pas ces enjeux d’intégration. Face à la quantité d’investissements réalisés par Québec pour soutenir l’intégration partout dans la province, on en sait encore bien peu sur le ressenti des personnes immigrantes elles-mêmes, la focale étant portée sur les employeurs et les besoins de main-d’œuvre.
Les délais de traitement pointés du doigt
L’étude relève une apparente contradiction entre l’augmentation du nombre de personnes immigrantes accueillies et la durée toujours très élevée de certains délais administratifs, comme l’Évaluation d’impact sur le marché du travail (EIMT), le permis de travail ou le certificat de sélection du Québec (CSQ). Selon les auteurs, il s’agirait surtout des démarches liées au gouvernement fédéral qui retardent le processus d’immigration des personnes sélectionnées par le Québec.
Le bras de fer entre Québec et Ottawa n’est pas nouveau, et le fédéral se défend de traiter les dossiers de résidence permanente en fonction des seuils annuels d’immigration québécois. Quant aux délais sur les autres démarches, Ottawa multiplie les annonces pour les accélérer des vérifications de sécurité que la pandémie a ralenties. L’Institut estime cependant que le décalage de délais entre les dossiers destinés au Québec et ceux des autres provinces devrait être « clarifié ».
En région
Enfin, la pénurie de main-d’œuvre étant plus importante dans les régions du Québec, de plus en plus de mesures et de programmes sont proposés pour inciter les personnes immigrantes à quitter Montréal pour les régions ou à s’installer directement en région (85 % des nouveaux arrivants s’installent à Montréal).
Grâce à des données d’accueil des régions, l’étude conclut que les efforts menés dans ce sens « n’ont pas porté leurs fruits ». Entre autres recommandations pour mieux attirer en région, l’Institut recommande la création d’un Programme régional de l’expérience québécoise (PREQ) pour remédier à cette situation. Pour rappel, le gouvernement vient de mettre en place un Plan d’action sur la régionalisation de l’immigration, comprenant une panoplie de mesures d’attraction, de rétention et d’intégration des personnes immigrantes. Reste à voir ce que ces initiatives changeront pour la situation économique de la province, mais aussi pour les populations immigrantes.