On résume souvent l’immigration à une liste à puces, dont il s’agit de cocher les entrées pour arriver à l’échelon supérieur. Franchir les différents paliers de l’immigration, trouver un emploi, check. Réaliser les premières démarches, chercher un logement, check. Explorer et trouver ses marques dans son nouvel environnement, check. Comprendre les codes au travail, check. Apprendre le français, check. Développer ses premiers cercles sociaux, check.
L’immigration est un projet
Arriver. Parler. Travailler. Guérir. Grandir. S’enraciner.
Bienveillance et réalisme
La proximité établie entre les animateurs et les personnes qu’elles suivent, le regard très bienveillant que la série porte sur ces femmes, ces hommes et ces jeunes, renvoient à une image bien connue du Québec, celle de la « terre d’accueil ».
La série explore ainsi certaines des ressources nécessaires au bon accompagnement de ces personnes dans leurs premiers pas au Québec. Elle ébauche la diversité des services d’accueil et d’aide à l’intégration qui sont offerts aux personnes immigrantes, de la francisation, en centre ou en entreprise, jusqu’au mentorat ou au jumelage interculturel, en passant bien sûr par les organismes d’aide à l’intégration socioprofessionnelle.
Mais si la société s’organise pour ces personnes, et nombreux sont ceux qui s’impliquent au quotidien auprès des nouveaux — et moins nouveaux — arrivants, on constate aussi les limites d’un système qui peine à trouver l’adéquation entre les attentes que l’on place sur les personnes immigrantes (francisation, reconnaissance des compétences, etc.) et la réalité de ces personnes, qui ont la responsabilité de s’acclimater pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.
Le scénario idéal
De l’arrivée d’une personne à son enracinement, il n’y a bien sûr pas qu’un pas. Mais s’il manque une marche à l’escalier social qui nous est offert par la série, c’est celui de l’échec. La rupture consommée.
Plusieurs fois, on évoque ouvertement quelques sujets plus lourds — toujours à travers les expériences vécues par les personnes immigrantes : isolement, racisme, difficulté à se sentir pleinement intégré, doute, incompréhension, en particulier par les enfants accompagnants, qui peuvent ne pas prendre la mesure et les conséquences d’un projet qui n’est pas le leur…
Alors, qu’est-ce que ça prend pour Devenir Keb ?
Ce que la série nous révèle, c’est que peu importe d’où l’on vient : l’immigration est une œuvre inachevée — tant vis-à-vis de soi que dans le regard des autres.
Mais l’autre enseignement, celui qui, invariablement, s’impose comme le fil d’Ariane entre chacune des personnes qui ont contribué à la série, c’est qu’il n’y a pas besoin de se sentir Keb pour devenir Keb, c’est-à-dire embrasser des valeurs communes, contribuer au bien-être de sa société d’accueil, s’épanouir et vivre pleinement sa vie ici…
Photo : Savoir média