
Sportifs, musiciens, journalistes, écrivains, éditeurs, politiques… De nombreuses personnalités noires sont au cœur de l’histoire du Canada et du Québec. Découvrez les grandes figures marquantes d’hier et d’aujourd’hui.
Ambassadeurs éternels des cultures populaires
Le 27 juillet 1996 à Atlanta, l’hymne canadien retentit sur le podium olympique du 100 mètres hommes. Sur la plus haute marche se tient Donovan Bailey. L’athlète natif de la Jamaïque, qui a émigré à Oakville (Ontario) à l’âge de 12 ans, fait la fierté de tout le Canada. Le voilà l’homme le plus rapide du monde. Toutefois, il en a fallu du temps pour que les sportifs noirs soient reconnus par leurs pairs.
Quel est le point commun entre la rôtisserie Coco Rico, sur le boulevard Saint-Laurent, et le Stade olympique de Montréal ? Jackie Robinson. De la statue que l’on trouve de l’entrée principale du stade et la murale du Plateau—Mont-Royal (voir l’image de couverture), tout un symbole : celui du premier joueur afro-américain à avoir accédé aux Ligues majeures de baseball, jusque là officieusement réservées aux blancs, en jouant avec les Royaux de Montréal durant la saison de 1946.
D’ailleurs, savez-vous combien de joueurs canadiens figurent au Temple de la renommée du baseball, à Cooperstown, dans l’État de New York ? Un seul. Un joueur noir intronisé en 1991, l’excellent lanceur de prises Fergie Jenkins.
Pendant que ces athlètes exceptionnels font vibrer les stades, plusieurs musiciens noirs, descendants d’esclaves fugitifs, font chauffer les scènes canadiennes. Lou Hooper est de ceux-là. Pianiste de jazz et compositeur, cet Ontarien, né en 1894, enseigne le piano à un élève qui dépassera bientôt le maître. Un certain Oscar Peterson.
La future légende du jazz, née à Montréal en 1925, grandit dans le quartier de Saint-Henri où résonnent les notes de ce nouveau genre musical né au début du XXe siècle. Le jeune virtuose ne tarde pas à se distinguer. À 24 ans, il se produit au Carnegie Hall à New York. En 1962, celui que la légende Duke Ellington surnomme le « Maharaja du clavier », composeHymn to Freedom, qui devient l’hymne du mouvement pour les droits civils.
De son côté, en 1948, quittant sa Philadelphie natale où sévit la ségrégation raciale, l’artiste afro-américain Charlie Biddle arrive à Montréal, sa contrebasse chevillée au corps. Il y monte en 1979 un festival de jazz de 3 jours, on lui prédit l’échec. Mais c’est un succès qui pose les bases de l’immense événement qu’est aujourd’hui le Festival international de jazz de Montréal.
Des femmes engagées qui ont changé l’histoire
De leur côté, les femmes noires ont investi d’autres domaines. Mary-Ann Shadd Cary, journaliste et avocate américano-canadienne devient la première Noire à fonder un hebdomadaire en Ontario en 1853, le Provincial Free Man, journal antiesclavagiste.
Presque un siècle plus tard, en 1946, c’est une autre journaliste et militante noire, Carrie Best, qui fonde The Clarion, le premier journal néo-écossais dont la propriétaire est noire.
« Encourager les femmes noires à devenir autonomes », c’est le combat qu’a mené toute sa vie durant Kathleen Livingstone, née en Ontario en 1918. Animatrice de radio renommée et militante engagée, Kathleen « Kay » Livingstone est désignée en 2011 comme personnage d’importance historique nationale par le gouvernement du Canada.
En politique aussi, les femmes sont des pionnières. En 1993, Jean Augustine est la première députée noire canadienne à être élue à la Chambre des communes tandis qu’au Sénat, Anne Clare Cools est la première personne noire à être élue en 1984, toujours en poste depuis 34 ans !
Mais s’il est une position qui marque les esprits, c’est sans doute celle de gouverneur général du Canada, le représentant au Canada du chef de l’État, le souverain d’Angleterre. De 2005 à 2010, Michaëlle Jean, journaliste brillante et polyglotte d’origine haïtienne, devient la première personne noire et la troisième femme à être élue à ce poste.
Quant au mot de la fin…
Nous le laissons volontiers à l’écrivain Dany Laferrière. Dans son roman, L’Art presque perdu de ne rien faire, il écrit, avec le cynisme délicieux qu’on lui connaît, « Le Noir est une variété humaine qui attire les policiers des petites villes américaines comme le miel attire l’ours ». Pourtant, ce qu’attire à lui cet immigré haïtien, arrivé à Montréal en 1976, ce sont les réussites et les honneurs. En 2015, il est le premier Québécois et deuxième Noir à être nommé à l’Académie française. Son premier roman publié en 1984, Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer, véritable satire des clichés racistes, est désormais un classique international de la littérature québécoise et francophone.