La règle et les exceptions
La mesure prévoit la suspension d’une partie du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), à compter du 3 septembre 2024 et pour une durée de six mois.
Sont concernées par le gel du programme les personnes qui :
- Présentent une première demande de permis ou renouvellent un permis, toujours dans le cadre du PTET, traitement simplifié compris, à partir du 3 septembre (les demandes envoyées avant cette date seront reçues et traitées) ;
- Sont employées par une entreprise basée sur l’île de Montréal (attention, ce n’est pas le lieu de résidence du TET qui est retenu, mais bien d’établissement de l’entreprise) ;
- Sont considérés comme des travailleurs à bas salaire, c’est-à-dire dont le revenu brut annuel est inférieur au salaire médian en vigueur dans la province : 57 000 $ CAN brut annuels, ou 27,47 $ CAN de l’heure.
Les demandes d’Évaluation de l’impact sur le marché du travail (EIMT)/Certificat d’acceptation du Québec (CAQ) présentées au nom des personnes qui cumulent ces critères ne seront donc pas reçues par le MIFI.
Le seront-elles à l’échéance de la mesure ? On aurait tendance à croire que non : selon le communiqué, c’est bien la réception de ces demandes qui est suspendue, non pas leur traitement. On sera donc avisé de s’épargner l’envoi de demandes litigieuses.
Parmi les exceptions, les secteurs stratégiques habituels seront épargnés, et seront reçues les demandes dans les domaines de la santé, de l’éducation (hors garderies, pour une raison qu’on ignore), de la construction, de l’agriculture et de la transformation alimentaire.
Qui est concerné par cette mesure, dans les faits ?
Si vous gagnez plus de 27,47 $ CAN de l’heure OU que votre employeur n’est pas établi à Montréal, vous n’êtes tout simplement pas concerné par la mesure.
Pour autant, cette mesure, qui ne touche en apparence que les personnes relevant du PTET, aura un impact beaucoup plus large que l’annonce le laisse penser. Elle va affecter plusieurs catégories de temporaires, directement ou indirectement.
Les candidats à un permis de travail temporaire qui résident encore à l’étranger
Bien sûr, on pense d’abord aux personnes en première demande qui ne résident pas encore au Québec et qui reçoivent une offre d’embauche d’une entreprise basée à Montréal. Ce sont notamment les candidats qui ont soumis une déclaration d’intérêt sur Arrima ou qui se présentent aux Journées Québec.
Les PTET qui doivent renouveler un permis de travail fermé
L’autre catégorie à laquelle on pense, bien sûr, ce sont les travailleurs étrangers temporaires en permis fermé et qui vont devoir renouveler un permis de travail au cours des prochains mois. S’ils ne sont pas déjà détenteurs d’un Certificat de sélection du Québec (CSQ) valide, ils ne pourront pas bénéficier du code de dispense d’EIMT associé au permis A73 fermé, leur permettant de renouveler leur permis au fédéral seulement.
Mais la mesure va aussi concerner un nombre important de personnes qui relèvent du Programme de mobilité internationale (PMI), en particulier celles dont le permis ne peut pas être renouvelé qui qui arrivera à expiration au cours des prochains mois.
Les personnes du programme Expérience internationale Canada (EIC) qui souhaitent rester au Québec avec un permis de travail fermé
Les personnes dont le permis de travail ouvert (PVT) ou fermé (Jeunes professionnels, Stage coop international) va expirer au cours des prochains mois ne seront pas en mesure de basculer vers un permis de travail fermé avec leur employeur.
Les diplômés du Québec en Permis de travail postdiplôme (PTPD)
Même chose, les personnes dont le PTPD (permis de travail ouvert) arrive à expiration, qui n’ont pas entamé de démarche vers la résidence permanente/obtenu leur CSQ, et qui souhaitent poursuivre leur travail en basculant en permis fermé se retrouveront potentiellement coincées.
Les conjoints et époux accompagnants en permis ouverts au titre du PMI
Les permis de travail ouverts octroyés aux époux et conjoints qui accompagnent le travailleur étranger temporaire ne valent que si le permis du demandeur principal est valide. Si celui-ci ne peut renouveler son permis de travail fermé, le permis du conjoint perd sa validité en même temps que celui du demandeur principal.
Les enfants accompagnants en permis d’études
Même effet domino pour les enfants accompagnant un travailleur sous PTET qui perd son statut : la validité des permis d’études, obligatoires pour les enfants de 6 ans ou plus inscrits à l’école, est, elle aussi, remise en cause.
De fait, le Québec dispose d’un pouvoir, certes a posteriori, mais non négligeable sur les résidents temporaires relevant du Programme fédéral de mobilité internationale (PMI).
Vous êtes concerné ? Quelles sont vos options ?
Votre meilleure option sera naturellement de sortir de l’une des conditions nommées précédemment, relatives à la date d’entrée en vigueur, à votre employeur ou encore à votre statut d’immigration.
Si votre permis expire dans les six mois et que vous et votre employeur le pouvez, présentez une demande d’EIMT/CAQ avant le 3 septembre 2024, en première demande ou en renouvellement, même s’il reste du temps sur votre permis actuel.
Si vous êtes sous le seuil des 57 000 $ CAN, vous pourrez partir en chasse d’un emploi plus payant. Mais si vous êtes en permis fermé sous le régime du PTET, vous ne pourrez malheureusement pas négocier une augmentation de salaire avec votre employeur, même si ce dernier est d’accord, sans présenter une nouvelle demande d’EIMT/CAQ. Le passage à « haut salaire » modifie également les obligations de l’employeur à l’égard du travailleur étranger.
Sur la question de la territorialité, vous pourrez, le moment venu, chercher un nouvel employeur établi en dehors de l’île de Montréal et qui sera prêt à vous proposer un travail dans le cadre du PTET, y compris après le 3 septembre. Mais, selon les cas, vous devrez peut-être vous préparer à déménager.
Enfin, on rappelle que les travailleurs étrangers temporaires titulaires d’un CSQ pourraient être admissibles à un permis de travail ouvert au titre du Programme de mobilité internationale (PMI), synonyme d’exemption de démarches au provincial.
Dans tous les cas, pensez que vous devez impérativement maintenir un statut au Canada.
Dans toute la mesure du possible, ne laissez pas expirer votre statut. Anticipez !
Photo : Kevin Grieve
À propos de Marine Caleb
Journaliste indépendante, Marine Caleb vit entre Marseille et Tripoli au Liban. Elle se spécialise dans la migration et les droits des femmes et écrit pour divers médias canadiens, français et du Swana. Ayant vécu de nombreuses années au Québec, elle dirige le magazine des journalistes du Québec, Le Trente.
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