C’est l’annonce du mois d’avril en immigration. Le 14 avril, Ottawa annonçait offrir la résidence permanente à 90 000 diplômés et travailleurs temporaires déjà établis au Canada. « Le message que nous leur adressons est simple : votre statut est peut‑être temporaire, mais vos contributions sont durables — et nous voulons que vous restiez », a ainsi déclaré le ministre de l’Immigration, des Réfugiées et de la Citoyenneté Marco Mendicino. Il promet une « voie accélérée » et un traitement en quelques mois de ces demandes, contre au moins trois ans depuis le Québec.
Cette annonce répond au besoin du Canada de remplir ses seuils d’immigration. En 2021, le pays s’est engagé à hausser ses seuils d’immigration sur la période 2021-2023, et à accueillir 401 000 nouveaux résidents permanents dès cette année pour redresser son économie. De fait, après plus d’un an de pandémie et un ralentissement notable de l’immigration, les enjeux de pénurie de main-d’œuvre se font sentir dans un nombre croissant de secteurs.
Ottawa mise donc sur les personnes immigrantes déjà établies au pays, en leur offrant une voie aménagée vers les avantages et la stabilité conférés par la résidence permanente — mais aussi les moyens de se projeter durablement au Canada.
Le Globe and Mail estime qu’il y a un bassin de 1 million à 1,5 million d’étudiants, de travailleurs étrangers temporaires et demandeurs d’asile qui pourraient bénéficier de ce programme. Mais sera-t-il suffisant pour atteindre l’objectif d’accueillir plus de 400 000 personnes d’ici la fin de l’année ?
À qui s’adresse ce programme ?
Le Canada offre une « voie accélérée » aux diplômés d’un établissement postsecondaire et aux travailleurs des secteurs essentiels et de la santé. Ce programme se divise en trois volets dont les places sont limitées.
IRCC acceptera :
- 40 000 demandes de personnes diplômées au Canada,
- 30 000 demandes de travailleurs des secteurs essentiels,
- 20 000 demandes de travailleurs de la santé.
90 000 résidentes pour qui ? Ce programme est réservé aux résidents temporaires qui ont l’intention de vivre dans une province autre que le Québec. Il permet aussi aux candidats d’inclure leur famille au moment de la présentation de leur demande. Parmi les critères communs aux trois volets, il faut :
- Maîtriser le français ou l’anglais ;
- Résider au Canada au moment de la demande et de sa réception ;
- Occuper un emploi (quel qu’il soit) au Canada au moment de la réception de la demande et ne pas être travailleur autonome.
Les personnes concernées ont jusqu’au 5 novembre pour soumettre une demande, mais si les plafonds sont atteints avant, la demande ne sera pas traitée.
Quels diplômés ?
Les diplômés doivent ainsi avoir reçu une éducation postsecondaire dans un établissement d’enseignement désigné. Cela comprend les universités, les cégeps et les écoles postsecondaires québécois, quelle que soit la spécialité. 40 000 demandes seront reçues et traitées.
Parmi les autres critères :
- Avoir obtenu son diplôme les 4 dernières années ou au plus tôt en janvier 2017
- Avoir obtenu un diplôme issu d’un programme d’au moins 8 mois ou d’un programme plus court pour les métiers spécialisés
Pour consulter la politique pour les diplômés
Quels travailleurs essentiels et de la santé ?
20 000 demandes seront reçues et traitées via le volet des travailleurs de la santé, quand IRCC recevra 30 000 demandes de travailleurs essentiels.
Le demandeur principal doit avoir au moins un an d’expérience dans une profession jugée essentielle. Cette expérience peut avoir été acquise à temps plein ou temps partiel durant les trois dernières années. Cela équivaut à 1560 heures.
Sont visées par le volet travailleurs de la santé, les professions de la catégorie professionnelle 3 de la Classification nationale des professions (CNP), à l’exception du secteur vétérinaire. Quelques métiers de la catégorie 4 sont comptés dans ce volet, comme les travailleurs des services sociaux et communautaires ou les aides familiaux.
Parmi les professions admissibles au volet travailleurs essentiels, les vendeurs en commerce de détail, les employés du secteur de l’agriculture, les métiers de la construction ou du transport, les enseignants ou les gardiens.
Pour accéder à la politique pour les travailleurs essentiels et de la santé
Un programme sans le Québec ?
Le Québec n’a pas souhaité participer à ce programme, qui revient il est vrai à octroyer la résidence permanente à des personnes qui n’auraient pas eu à se soumettre à la procédure préalable de sélection permanente par la province francophone. De fait, cela contreviendrait aux termes de l’Accord Canada-Québec sur l’immigration. Mais, dans le contexte actuel de relative frénésie autour de l’immigration, notamment francophone, on est en droit de poser quelques questions sur les conséquences de cette mise à l’écart très politique.
Pour commencer, il faut rappeler que rien n’empêche une personne titulaire de la résidence permanente à vivre et travailler partout au Canada — y compris au Québec, et même s’il n’a pas été sélectionné expressément par le Québec au cours de la procédure. Ensuite, rien n’indique que le nouveau programme lancé par IRCC ne concerne pas les personnes admissibles qui résident actuellement au Québec, avec l’intention de partir vivre ailleurs au Canada. On ignore d’ailleurs comment ce dernier point est évalué.
Québec avait annoncé fin 2020 une hausse substantielle de ses seuils d’immigration en 2021 pour compenser le déficit de personnes accueillies pendant la pandémie, et l’annonce de nouvelles hausses est attendue pour les années à venir (en réalité, elle était déjà prévue dans la feuille de route du gouvernement avant la pandémie). Une stratégie qui passe, dans tous les cas, par une bonne entente avec le fédéral, qui reste seul maître dans l’octroi de la résidence permanente (et qui accuse aujourd’hui un retard record dans le traitement des demandes présentées depuis le Québec, estimé à près de 27 000 dossiers, représentant plus de 50 000 personnes).
Reste donc à savoir si Québec parviendra à trouver des réponses et offrir des garanties suffisantes à ses résidents temporaires, ou si les programmes fédéraux parviendront à détourner une partie de l’immigration destinée au Québec.