
Du 4 au 14 juillet, Montréal devient « Complètement Cirque », et fête pour l’occasion la 10e édition du festival qui fait d’elle la capitale mondiale incontestée des arts circassiens. À l’origine de ce projet urbain fou : la TOHU, temple du cirque et maître d’œuvre du festival. Mais la TOHU est aussi une organisation citoyenne qui soutient, éduque et s’engage auprès des communautés. Découvrez une facette méconnue de la célèbre scène montréalaise.
Bâtiment unique en Amérique du Nord, la salle circulaire de la TOHU est au cœur de la Cité des arts du cirque et du parc Frédéric-Back, dans le quartier de Saint-Michel, comme un chapiteau géant et modulable, dont la peau de pierre ressemble parfois à celle de l’éléphant. Conçu selon un modèle de développement durable et faisant largement usage de matériaux recyclés, ce lieu de création, de diffusion et d’expérimentation repose sur trois piliers : le cirque, l’environnement et la mission communautaire.
La TOHU, côté salle… Crédit : Benoît Leroux
Une personnalité aux tonalités du quartier
Ici, communautaire rime avec solidaire. Afin de rendre les arts du cirque accessibles à tous, l’offre est gratuite pour les gens du quartier. Et pour combler ses besoins en personnels, près de 120 employés à son pic estival, la TOHU affiche une politique d’embauche locale, dans la mesure du possible, notamment pour les emplois liés à l’accueil du public : agents à la billetterie, scanneurs, agents de stationnement, cuisiniers pour le bistro… « Lorsque je vois passer un CV, je commence toujours par regarder le code postal du candidat. S’il est du quartier Saint-Michel ou de l’arrondissement, c’est un bon début », annonce Carmen Izabel Barrios, coordonnatrice aux ressources humaines de la TOHU. Pour les postes au service à la clientèle, l’exigence est moins sur la compétence que sur l’attitude : « ce sont souvent des entrevues de groupe, on prend ceux qui se démarquent et qui témoignent d’une curiosité pour le lieu même s’ils ne le connaissent pas vraiment ».
La valeur de l’exemple
L’attitude, c’est ce qui a fait la différence pour Abdel Yahoui, 20 ans quand il a été remarqué pour son dynamisme lors d’un Carrefour jeunesse emploi. « J’ai commencé ici à l’accueil, j’ai été scanneur, placier, j’ai travaillé parfois au bistro… Par la suite, j’ai beaucoup travaillé au stationnement », explique le jeune homme au large sourire. Pour finaliser sa formation au collège Maisonneuve, Abdel a fait un stage d’un mois dans ce lieu qu’il semblait bien connaître. « En réalité, j’ai découvert le travail dans les bureaux et ce qu’était la vraie TOHU ! » affirme-t-il. Aujourd’hui le voilà superviseur au stationnement et, depuis le 30 avril dernier, agent comptable administratif pour le festival Montréal Complètement Cirque. Un parcours remarquable pour celui qui aspire à « donner l’exemple aux autres jeunes du quartier ».
Abdel Yahoui, à la TOHU. Crédit : Armelle Pieroni-Christin
Ce qui lui plaît tant ici, c’est « l’entraide, l’esprit d’équipe et aussi un esprit festif ! ». Cela tombe bien, dans les 4 valeurs de la TOHU se retrouvent le plaisir, la solidarité, le respect et l’audace. « Nous portons très bien notre nom, tiré de “tohu-bohu”, un désordre à la recherche constante de l’équilibre », ajoute en souriant Carmen Barrios. Depuis ses débuts en 2004, plus de 500 personnes ont bénéficié du programme d’employabilité. « Nous ne pouvons pas embaucher de façon permanente toutes les personnes que nous recrutons, regrette-t-elle, mais l’idée est que tous les jeunes passés par la TOHU reçoivent une bonne formation, qui a une valeur sur le marché du travail ».
Falla de Saint-Michel, un rendez-vous hors du commun
Dans l’esprit communautaire du lieu, il existe chaque année une tradition unique en son genre, venant de Valence, en Espagne : la Falla.
L’idée est de construire une immense structure en bois et en papier. À l’œuvre se trouvent les fallejos, une cohorte de 6 à 12 jeunes de 18 à 30 ans, éloignés du marché de l’emploi, en décrochage scolaire ou nouveaux arrivants au Québec. « C’est un programme d’intégration socioprofessionnelle, explique Carmen Barrios. Ces jeunes sont accompagnés pendant dix semaines par des menuisiers, des artistes modeleurs, des peintres, et une intervenante psychosociale pour développer un projet personnel, qu’il s’agisse du retour à l’école ou de la recherche d’un emploi. Ils ne sont pas payés, mais s’ils terminent le projet, ils bénéficient d’une compensation intéressante », précise la coordinatrice aux ressources humaines. S’intégrant dans la participation citoyenne, le projet conçoit aussi des parties de la structure qui se déplacent dans les quartiers pour que tous, aînés, adultes en francisation, jeunes du camp de jour, puissent également mettre la main à la pâte – ou, plutôt, au pinceau.
Crédit : Diem Photographie
Au bout du projet, c’est la fameuse Falla de Saint-Michel (du 9 au 11 août 2019), qui invite les gens du quartier, les mordus de la TOHU et tous ceux de passage à profiter de trois jours de festivités et de spectacles, s’achevant par l’embrasement de la sculpture.
Car l’important, c’est ce que l’on a appris — non l’œuvre en soi.
Pour plus d’informations et accéder aux programmes complets des festivités, rendez-vous les sites de la TOHU et du festival Montréal Complètement Cirque.
Crédit image de couverture : Anaïs Nedelec.