Adil vivait à Paris avant de choisir Montréal il y a deux ans. Il a conservé une dizaine d’amitiés à l’étranger : ils s’envoient des messages texte et commentent leurs stories sur les réseaux sociaux, entre autres. « Avec le temps, je me suis rendu compte que les vraies amitiés ne bougent pas, même si on ne se parle pas beaucoup », selon l’expérience du jeune trentenaire.
Anthony habite Beyrouth. Il a non pas un, mais trois amis d’enfance installés en Europe depuis plusieurs années. Ils s’envoient des mèmes, discutent sur des groupes et se téléphonent de temps à autre. Il lui est aussi arrivé de perdre des amis de longue date, mais pas seulement en raison de la distance : ils ont pris des chemins différents et un certain détachement émotionnel s’est créé.
Quel est le secret d’une l’amitié à distance durable ?
La psychologue Nadia Kendil, spécialisée en développement des compétences interculturelles, insiste sur un point. On a beau avoir tous ces outils, pour qu’une amitié à distance perdure, une présence qualitative est nécessaire. Et cette présence varie selon la perception de chacun. Pour l’un, il s’agira d’un message bien senti lors d’un anniversaire, pour l’autre des messages vocaux sur une base quotidienne. Pour ceux qui accordent une grande importance au culte religieux, ce pourrait être une pensée ou un échange lors d’une fête religieuse.
« C’est l’amitié nourrie et mise à jour qui aurait tendance à mieux réussir », soutient la psychologue, ajoutant que partager des valeurs communes est tout aussi essentiel.
Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue et conférencière renchérit en mentionnant que « lorsque nos relations sont satisfaisantes, lorsqu’on se sent connecté, apprécié, et qu’on a aussi l’impression d’être là pour les autres, il y a un impact positif sur notre bien-être psychologique ».
Elle rappelle aussi qu’immigrer dans un nouveau pays et s’adapter à une nouvelle réalité exige un énorme « travail psychologique ». Les amitiés restées au pays peuvent représenter un soutien, un ancrage, et être rassurantes.
« C’est comme si on n’était pas complètement déraciné, on garde des repères qui sont importants si on voit que ça nous apporte du positif »
Geneviève Beaulieu-Pelletier
Quand ça coince
« Tu n’es plus Syrien parce que pendant que nous on souffrait, tu te payais la belle vie au Québec » ou encore « Tu n’es plus Égyptien parce que tu n’as pas vécu le printemps arabe », donne-t-elle en exemple.
Ces affirmations peuvent être culpabilisantes et éventuellement devenir un frein pour la personne qui s’intègre dans le nouveau pays.
« Parfois, on met fin à une amitié parce qu’il y a un décalage. La personne que j’ai laissée n’est plus la même, la personne qui est partie n’est plus la même, la société n’est plus la même »
Nadia Kendil
Miser sur la réciprocité
Les besoins de connexion et d’appartenance sont essentiels, à tous les âges et dans tous les pays. Mais l’amitié, comme toute relation avec un autre être humain, requiert certains efforts.
Créez des rappels dans votre calendrier pour prendre des nouvelles de vos amis, qu’ils soient à l’étranger ou à deux coins de rue, faites-leur une surprise en les téléphonant, soyez curieux de ce qu’ils vivent même s’ils sont dans une phase de vie différente de la vôtre. Partagez votre réalité et n’ayez pas peur de vous montrer vulnérable. L’amitié, c’est aussi une affaire d’authenticité !
Photo : Getty Images/Unsplash+








