Visages du Québec : Joey, plaidoyer pour l’écoute et l’empathie

Sur son vélo pour une levée de fonds, dans son bureau à Montréal, à l’Assemblée nationale ou sur le terrain en Syrie, Joey Hanna, chef de bureau du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Montréal et tout récent lauréat du prix de l’Avocat de l’année (catégorie Carrière alternative) du Jeune Barreau de Montréal est un peu partout à la fois. Il est aussi un homme passionné et dédié à sa mission : donner une voix aux personnes les plus démunies, leur prêter mainforte et leur fournir une assistance dans leur trajectoire de vie.
Voici près de deux ans que Joey Hanna occupe le poste de chef de bureau du HCR, aussi appelée Agence des Nations Unies pour les Réfugiés au Canada à Montréal. Le rôle apolitique de l’organisation, il le décrit ainsi : « sensibiliser les gouvernements et le public en général aux réalités, aux défis et aux triomphes des personnes réfugiées et demandeuses d’asile, rappeler le contexte mondial dans lequel les migrations forcées s’inscrivent et humaniser les chiffres et les statistiques que l’on voit. »

Ce poste au HCR semblait tout désigné pour l’avocat de 34 ans, qui a fait quatre simulations à l’Organisation des Nations unies (ONU) lorsqu’il était étudiant. Il est pourtant tombé sur lui un peu par hasard.

Lorsqu’il travaillait au Centre communautaire juridique de Montréal, il a pris une année sabbatique afin d’entamer une maîtrise en droit international.

Au même moment, un stage s’est ouvert au HCR. « Ne penses-tu pas que tu es trop qualifié pour un stage ? », lui a-t-on demandé. « Oui, mais ça me tente quand même ! », a-t-il rétorqué.

Avec Denise Otis, cheffe de bureau du HCR de 2019 à 2024, il a vu l’importance de l’horizontalité. « J’essaie de l’incarner avec les stagiaires que j’engage, avec les gens que je rencontre, peu importe leur statut, leur trajectoire de vie, leur récit. Je parle d’égal à égal avec les individus, et c’est ça le legs de Denise. » Lorsqu’elle a pris sa retraite et que Joey a repris le flambeau, il voulait conceptualiser un chandail sur lequel il aurait été écrit « Je suis la nouvelle Denise » tellement tout le monde la connaissait et tellement elle brillait par sa lumière, dit-il.

Les origines qui influencent le présent

Joey Hanna est né à Montréal en 1991, deux semaines après l’arrivée de ses parents de la Syrie. C’était une immigration choisie, certes, mais le déracinement fait partie de son ADN. Sa famille, originaire de Mardin, du temps de l’Empire ottoman, a été forcée à l’exil en raison des tensions religieuses et a fui vers ce qui était à l’époque le protectorat syrien français. Ce passé familial a inévitablement un impact sur sa vie et ses choix, croit-il. « Je pense que ça enrichit mes connaissances, mon rôle, et ça facilite également cette posture de se mettre dans les souliers d’autrui et de comprendre son vécu. »

Son premier voyage en Syrie, en 2010, s’était déroulé en mode exploratoire, avant la guerre, avec son sac à dos et son ami. Sa seconde visite, en février 2025, à peine quelques mois après la chute du régime de Bachar al-Assad, a lieu avec le chapeau du HCR. Il s’y rend dans le but de soutenir l’équipe de communication, mais aussi de rencontrer des personnes qui ont été déplacées par le conflit et qui ont vécu de façon directe les conséquences des hostilités. « Je voulais apporter ces témoignages au Canada pour m’aider dans mon travail de plaidoyer ici avec les gouvernements, les grands donateurs, les médias canadiens, et pour permettre aux Québécois de comprendre davantage les réalités vécues des Syriens. » 

Alors qu’en 2010, il s’était senti comme l’Occidental qui débarquait en Syrie, en 2025 la perception était toute autre.

« Je ne me suis jamais senti aussi accepté par les Syriens et aussi proche de leur identité. J’ai fini par comprendre qu’un peu tout le monde en Syrie a vécu le déracinement d’une manière ou d’une autre, a un parent quelque part dans le monde. Et que même si, géographiquement, tu n’habites pas le territoire syrien, tu peux quand même porter ton identité syrienne. »

L’importance de l’entraide

Alors que de nombreux pays ont réduit l’aide financière aux organisations internationales, ces dernières ont été contraintes de se serrer la ceinture.

Au HCR, cela se traduit par une réduction du tiers de son personnel au niveau international, et la centralisation des services sur le terrain, ce qui a inévitablement des conséquences sur les individus.

Joey Hanna salue les initiatives privées visant à soutenir le HCR, qui représentent environ 20 % du budget de l’organisation. Il mentionne au passage que les parties privées canadiennes, soit les individus et les entreprises, se classent parmi les 15 plus grands donateurs du HCR.

Photo : Émilie Pelletier

« Je pense que l’inclusion, la bienveillance, l’empathie, ça commence avant tout par l’écoute — sur les plans tant individuel que social. Écouter les récits des personnes réfugiées, des personnes demandeuses d’asile et aller chercher l’humain en eux avant les statistiques, les idéologies et la politique. »

En octobre, il a appuyé l’initiative de Safa Hammoud, intitulée « La Route du Jasmin », dont l’objectif était de soutenir les réfugiés syriens en parcourant la route entre Québec et Montréal à vélo pour faire écho à la distance entre les villes syriennes Damas et Palmyre.

Joey a donc enfourché son vélo et a pédalé aux côtés de 23 autres cyclistes pour amasser des dons. « Quand les citoyens se rassemblent et décident d’incarner une cause, je trouve que c’est le plus beau cadeau pour les gens qui travaillent dans le milieu », souligne-t-il.

L’avocat a de grandes ambitions au sein du HCR et cultive sans contredit l’espoir et la confiance dans les individus. « Je nous souhaite de nous écouter davantage. Je nous souhaite plus d’empathie l’un envers l’autre ».

Photo : Fournies par Joey Hanna

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Marie-Anne Dayé

Journaliste indépendante, Marie-Anne Dayé s'intéresse notamment aux questions migratoires et aux enjeux sociaux. Bien qu'elle affectionne particulièrement le reportage écrit, elle aime aussi raconter des histoires et décortiquer des sujets par le biais de photos et de vidéos.
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