Voilà plusieurs mois que le chemin Roxham cristallise le débat sur la façon dont le Canada devrait répondre à l’afflux des demandeurs d’asile au Canada, tout particulièrement de ceux entrés sur le territoire de façon irrégulière, par voie terrestre, depuis les États-Unis.
Nombreuses sont les voix à s’élever pour parvenir à une solution, de la fermeture du chemin à la construction d’un mur, en passant par le transfert des demandeurs d’asile du Québec (puisque Roxham débouche en Montérégie), vers d’autres provinces. D’autres envisagent le problème sous l’angle des relations bilatérales entre le Canada et les États-Unis, plus particulièrement d’une entente sur le traitement des demandes d’asile, signée entre les deux pays il y a 19 ans — que beaucoup voudraient renégocier avec le voisin du sud, à commencer par le gouvernement du Québec.
Pourparlers entre Ottawa et Washington
Le 22 février 2023, le premier ministre Justin Trudeau s’est dit ne pas être opposé à la fermeture du chemin Roxham, tout en reconnaissant la complexité de la situation. Le ministre Sean Fraser a lui aussi réagi, en estimant que fermer simplement le chemin ne ferait que déplacer le problème ailleurs sur les 6 000 km de frontière terrestre entre le Canada et les États-Unis.
M. Trudeau estime que la solution passe nécessairement par une renégociation de l’Entente sur les tiers pays sûrs, signée en 2004 entre le Canada et les États-Unis. Selon cette entente, le Canada a le droit de refouler les personnes qui se présentent à un poste-frontière terrestre avec les États-Unis, au motif qu’elles peuvent demander l’asile aux États-Unis, le pays où elles sont arrivées en premier.
Mais si M. Trudeau estime que moderniser l’accord serait une solution, Washington n’envisage pas de renégocier l’Entente. Dans une entrevue pour CBC, l’ambassadeur des États-Unis à Ottawa juge quant à lui que l’Entente sur les tiers pays sûrs est un « symptôme » et non la source du problème, alors que la visite officielle de Joe Biden au Canada en mars prochain alimente les spéculations.
Or, sur le terrain, le milieu communautaire et plusieurs experts en immigration réclament une révision de l’accord qui, en l’état, pousserait les personnes à migrer de manière irrégulière et dangereuse pour atteindre le Canada. En effet, si une personne qui arrive des États-Unis à un poste-frontière ne peut pas demander l’asile au Canada, il en va différemment dès lors que cette personne se trouve sur le sol canadien — même si elle y est arrivée de manière irrégulière.
Des demandeurs d’asile transférés hors du Québec
En attendant, Ottawa a décidé et commencé à mettre en opération le transfert de la plupart des demandeurs d’asile entrant irrégulièrement au Québec vers l’Ontario.
« L’impact des arrivées massives de demandeurs d’asile se fait de plus en plus sentir sur les services publics et l’accès au logement, menaçant ainsi la capacité du Québec à prendre en charge dignement l’accueil des demandeurs d’asile », explique une représentante du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). C’est pourquoi le Québec a demandé au gouvernement fédéral de trouver des solutions pour gérer l’afflux d’arrivées au chemin Roxham, ce qui s’est notamment traduit par la prise en charge de l’hébergement temporaire des personnes entrantes, en sus de la capacité du Québec.
Québec juge en effet l’arrivée des demandeurs d’asile au Québec disproportionnée par rapport à la population québécoise et à ses capacités d’accueil. En 2022, 92 175 demandeurs d’asile sont arrivés au Canada. De ce nombre, 59 205, soit 64 %, étaient au Québec, dont 39 171 représentaient des entrées irrégulières. Or, Québec souhaiterait plutôt en accueillir 22 % annuellement, soit l’équivalent de son poids démographique au Canada.
Les maritimes en appui
Face à la situation et à l’appel à l’aide du Québec, les premiers ministres de l’Atlantique ont déclaré leur ouverture à accueillir les personnes redirigées. 150 à 200 personnes pourraient aller au Nouveau-Brunswick, un soutien similaire à celui offert à l’arrivée des réfugiés syriens fuyant la guerre. À l’Île-du-Prince-Édouard, le premier ministre Dennis King est lui aussi ouvert, mais rappelle que la province fait déjà face à une forte pénurie de logements.
Après l’octroi par le gouvernement du Québec, le 6 février 2023, d’une première enveloppe de 3,5 M$ pour soutenir les organismes d’aide aux demandeurs d’asile sur son territoire, tout porte à croire que le Canada va devoir trouver lui-même les ressources pour encourager la coopération entre les provinces et répondre adéquatement aux demandeurs d’asile qui transitent par les États-Unis.
Photo : Mantas Hesthaven