« Le fait de chercher à m’installer et à gagner ma vie peu importe le travail m’a éloigné des bonnes voies de recherche dans mon vrai domaine. »
Aujourd’hui, 15 % des artistes de la province sont des immigrants. À Montréal, cette proportion s’élève à 20 %.
Le premier constat des chercheuses, c’est que cette population de musiciens immigrants est très diversifiée. « Il y a une vraie pluralité dans les profils sociodémographiques, note Caroline Marcoux-Gendron. Les disparités se voient aussi bien au niveau du genre que du lieu de résidence, des langues maîtrisées, du statut d’immigration ou encore du nombre d’années passées au Québec. C’est loin d’être une masse homogène. »
Difficile donc d’établir un profil type de cette catégorie professionnelle d’immigrés, ou encore d’apporter une réponse unique à ses défis.
Les trajectoires professionnelles des musiciens immigrants sont souvent longues et mouvantes. Ainsi, beaucoup d’entre eux ont recours à différentes stratégies pendant leur parcours, notamment la polyactivité (lorsqu’une personne combine plusieurs emplois différents liés à sa pratique artistique, comme un musicien qui enseigne la musique, joue dans un ensemble et compose, par exemple) ou la pluriactivité (une combinaison d’emplois liés et non liés à la pratique artistique, comme une personne qui a différents engagements musicaux, mais a besoin d’avoir à côté un emploi dans un café trois jours par semaine).
De nombreux obstacles
Les défis posés à ces musiciens immigrants sont nombreux, comme les chercheuses le relèvent dans leur rapport : enjeux de reconnaissance, effritement des réseaux de contacts, difficultés à comprendre les codes locaux et le langage technocratique, différences entre les logiques de fonctionnement des milieux artistiques, discriminations de diverses natures, etc.
Des ressources existent déjà pour répondre aux besoins des musiciens au Québec, mais elles sont peu accessibles. Les personnes immigrantes dénoncent un fonctionnement en silos de l’écosystème, où le secteur de l’immigration et d’aide à l’emploi connaît peu les réalités du secteur artistique, et inversement. Il est donc difficile pour ces personnes non seulement d’avoir accès à l’information, mais aussi de la comprendre et de mobiliser les outils existants pour pouvoir cheminer efficacement.
Les plus grands défis identifiés par les répondants au questionnaire pour intégrer le milieu de la musique au Québec ? « Avoir les bons réseaux pour être au courant des opportunités musicales » et « connaître les programmes qui peuvent financer [les] projets musicaux », qui sont dans les réponses les plus souvent données (respectivement 70 % et 71 % de taux de réponse).
Passer à l’action
On y trouve aussi différentes astuces, ainsi qu’un dictionnaire du métier de musicien. « On y retrouve des mots très techniques qui peuvent revenir souvent quand on consulte de la documentation professionnelle — et qui peuvent vite étourdir quand ce ne sont pas des termes qu’on a l’habitude de côtoyer », explique Caroline Marcoux-Gendron.
Des activités de rayonnement et de mobilisation de connaissances sont aussi prévues dans la prochaine année, pour les chercheurs, les musiciens et les professionnels d’aide à l’emploi. « On veut inviter ces gens à mobiliser la plateforme et à engager un dialogue », conclut Marie-Jeanne Blais. Cet outil va donc aussi être un bon prétexte à créer davantage de maillage humain.
« Au-delà de tous les outils numériques qu’on pourrait créer, aussi fantastiques soient-ils, rien ne remplacera jamais le contact humain et le besoin de rencontrer des personnes qui pourront nous donner des conseils et nous accompagner dans ce cheminement long et complexe. »
Marie-Jeanne Blais