Lorsqu’on est invalide ou que l’on souffre d’un handicap, l’accessibilité est un enjeu de tous les instants. Au travail, dans la rue, au restaurant ou même chez soi, chaque geste simple de la vie quotidienne peut vite devenir un défi. Alors, que dire du voyage ?
« C’est une question importante, reconnait Julie-Anne Perrault, de l’organisme Kéroul, un organisme à but non lucratif dont la mission est de favoriser l’accès au tourisme et à la culture, et qui célèbre cette année son quarantième anniversaire. Quatre décennies de lutte, de sensibilisation, d’accompagnement pour un Québec accessible à toute personne, qu’elle soit valide ou non. Après tout, l’objectif d’une personne handicapée, comme n’importe quelle autre, est d’avoir une vie complète, pas juste de penser à sa survie. »
Une base de données certifiée
Pour y parvenir, Kéroul propose notamment une base de données appelée « Le Québec pour tous », dans laquelle il référence des lieux, activités, transports préalablement évalués par l’organisme et certifié « totalement ou partiellement accessible ». Chacune des près de 2 000 entrées donne l’information nécessaire pour que toute personne avec un enjeu de mobilité puisse identifier avec exactitude sa capacité à en profiter d’un lieu ou à bénéficier d’un service.
Car lorsqu’on a un handicap, les mauvaises surprises ne sont pas rares. Isabelle Ducharme, 52 ans, est une grande voyageuse. En fauteuil roulant depuis 1988, elle raconte : « Lors de l’un de mes premiers voyages après l’accident qui m’a rendue invalide, je me suis rendue à Acapulco dans un hôtel prétendument accessible. Sauf que je ne pouvais pas accéder aux toilettes de ma propre chambre : je ne passais pas la porte avec mon fauteuil ! »
Pour éviter ce genre de désagréments, qui peuvent devenir décourageants, le Québec a trouvé une solution : tout organisme touristique qui souhaite se déclarer accessible doit désormais s’adresser à Kéroul. Un gage de confiance pour les usagers. « C’est un vrai atout comparé à beaucoup de pays, affirme Mme Ducharme.Dans bien d’autres endroits, l’accessibilité est laissée à la libre interprétation du gestionnaire d’un service ou d’un établissement, voire à des blogues de voyages. »
La question du logement
Mais le Québec touristique est-il un bon élève pour autant ? « Le Québec est dans la moyenne,constate Isabelle Ducharme,les choses avancent constamment, certes, mais doucement ».
En matière de logement par exemple, Kéroul déplore un manque de sanctions vis-à-vis du non-respect des règles provinciales d’accessibilité. Résultat, les entreprises n’en font pas une priorité. « Par exemple, développe Julie-Anne Perrault, les hôtels sont normalement tenus d’adapter 10 % de leurs chambres. Mais dans les faits, ce n’est pas le cas. C’est souvent au niveau de la douche ou des toilettes qu’il y a des lacunes. »
Autre problème, le mobilier, qui n’est pas soumis au code la construction. « Les hôtels proposent en général des lits hauts, car c’est à la mode. Sauf que pour une personne handicapée, ça peut être un vrai obstacle. »
L’accès à la nature et au patrimoine
Les logements touristiques sont loin d’être les seuls à poser problème. Dans le cas des installations patrimoniales, comme les musées, deux forces se heurtent : la volonté de rendre le lieu accessible et la nécessité de préserver l’endroit. Malgré tout, pour Julie-Anne Perrault, ces deux forces ne sont pas incompatibles. « Quelques établissements sont parvenus à concilier les deux, à l’image du Monastère des Augustines de Québec », se réjouit-elle.
Des conditions d’accessibilité variables d’un lieu à l’autre, qu’on retrouve aussi dans les parcs, qui constituent l’un des plus beaux atouts touristiques du Québec. « Puisque ceux-ci ne sont soumis à aucune obligation en termes d’accessibilité, c’est au bon vouloir de chacun, élabore Julie-Anne Perrault. Mais par chance, la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ) a à cœur la question de l’accessibilité et certains parcs vont très loin pour favoriser l’accès de tous. »
Pour cette professionnelle, les meilleures pratiques sont à trouver aux parcs nationaux d’Oka et du Mont-Saint-Bruno, au Marais de la Rivière aux Cerises et au Canyon Sainte-Anne.
Pas de tourisme sans transport
Enfin, difficile d’envisager une expérience touristique sans un accès correct aux transports. Or, si au Québec trains et autobus sont accessibles, le métro de Montréal, lui, est un très mauvais élève. « 14 stations accessibles sur 68, c’est vraiment très peu », déplore Mme Perrault. Elle rappelle cependant que, dans la province, chaque municipalité doit être en mesure de fournir un transport adapté. « Les personnes qui en ont besoin doivent contacter ces municipalités directement. Normalement, c’est un service qui est aussi disponible pour les étrangers, quoique je recommande de s’y prendre largement à l’avance. »
Pour favoriser la mobilité et l’accès des personnes avec un handicap, l’association québécoise pour le loisir des personnes handicapées (AQLPH) a également mis en place une Carte accompagnement loisir, qui permet à ceux qui en ont besoin de disposer d’un accompagnateur dans le cadre de ses activités touristiques et culturelles. Ce dernier aura accès gratuitement à de nombreux espaces de loisirs.
Encourager les professionnels du tourisme
S’il reste encore beaucoup de travail pour faire du Québec un exemple de tourisme accessible, un dernier outil devrait permettre d’accélérer les choses. Depuis quelques temps en effet, Kéroul gère une subvention du ministère du Tourisme pouvant aller jusqu’à 50 000 $ CAN par établissement. Son objectif : accompagner les entreprises du tourisme désireuses de devenir plus accessibles. « Nous sommes aux côtés de ces établissements à chaque étape, explique Mme Perrault, et ce, jusqu’à ce qu’ils soient à même d’intégrer notre base de données ».
Depuis que cette subvention existe, l’organisme reçoit de plus en plus de demandes d’entreprises prêtes à adopter de bonnes pratiques. Un indicateur positif sur les changements qui semblent opérer, peu à peu, sur les mentalités.