Pour les immigrants qui arrivent sur le marché du travail québécois, il n’est pas toujours simple de savoir comme négocier son salaire. Nous avons fait le point avec Susana Diaz, conférencière et directrice du développement organisationnel et de l’emploi chez PME MTL.
Quelle est l’erreur la plus courante au moment de négocier son salaire ?
La première erreur que font certains immigrants quand on leur demande quelles sont leurs prétentions salariales, c’est de répondre « je ne sais pas, je ne connais pas les salaires ici ». On ne peut pas dire ça, car c’est une façon de dire « vous pouvez me payer le plus bas possible, car je ne connais pas le marché du travail ici. »Il faut vraiment se renseigner en amont.
Quelle est la marche à suivre ?
De manière générale, je conseille aux gens de consulter les Normes du travail du Québec, un texte court qui se lit très vite. Sans cela, on peut avoir de mauvaises surprises. Par exemple, en 2018 au Québec, on n’était pas payé en cas de maladie, sauf si l’entreprise offrait ce type d’avantages à ses salariés. Ce n’est que depuis 2019, que les Normes prévoient un minimum de deux journées de maladie payées par année. Cela peut surprendre certains.
Je conseille aussi de bien faire ses calculs. Si on vous propose un salaire annuel, demandez-vous si c’est pour 35 heures ou pour 40 heures par semaine. Dans les grandes entreprises, tout est très clair, mais dans des structures plus petites ce n’est pas toujours le cas.
Et puis, il ne faut pas hésiter à consulter des sites spécialisés et à lire des enquêtes pour avoir une bonne idée du salaire dans son domaine. Je conseille aussi aux gens de demander, s’ils le peuvent, à des personnes qui occupent des postes similaires, quel serait le salaire idéal pour le type de poste recherché considérant l’expérience que l’on possède.
Qu’est-ce qui peut jouer sur la capacité de négociation d’un candidat ?
Il faut que les candidats comprennent comment sont définis les salaires.
Il y existe une question d’offre et de demande : s’il y a peu de travailleurs disponibles dans un secteur donné, ceux-ci pourront prétendre à un salaire plus élevé.
Par ailleurs, l’entreprise a l’obligation de garder une équité externe, car si l’on paie moins que la concurrence, on risque de perdre les meilleurs candidats. Elle doit aussi garder une équité interne : on ne peut pas payer plus quelqu’un qui a les mêmes responsabilités.
Et puis il y a une équité individuelle. Si la personne est bilingue, si elle a des diplômes ou des certifications qui sont considérés un atout pour l’employeur, c’est valorisable. Mais attention, si l’offre ne demande qu’un baccalauréat et que le candidat a une maîtrise, ça peut jouer contre lui car le candidat va être perçu par l’employeur comme étant « plus cher ». Dans ce cas-ci, certains candidats vont choisir de ne pas indiquer leur maîtrise sur le CV, et ne la réserver que lorsque l’offre mentionne expressément « maîtrise un atout ».
Enfin, il y a la valeur ajoutée du candidat : si celui-ci a un bon réseau de contacts, y compris à l’étranger, ça peut vraiment jouer en sa faveur. On pense toujours que comme immigrant on a moins à offrir mais il faut réfléchir à ce qu’on peut apporter à l’organisation du fait de son statut d’étranger.
Peut-il être mal vu de demander directement à l’employeur ce qu’il en est du salaire ?
Non, mais il faut le faire au bon moment. Aborder le sujet avant même de se voir offrir le poste, ça peut être mal vu.
Quand l’employeur demande quel est le salaire demandé, il vaut mieux donner une fourchette qu’un montant fixe. De cette façon, l’employeur nous fera une proposition, c’est plus flexible pour l’employeur et puis parfois, il peut être avantageux d’accepter un salaire moindre si on a d’autres avantages.
En tout cas, il faut avoir préparé sa réponse. Il faut que ce soit clair et direct.
Peut-on négocier sur autre chose que son salaire ?
Oui, c’est ce qu’on appelle la rémunération indirecte. On parle ici des avantages sociaux offerts par l’employeur, comme les assurances collectives (santé, assurance vie, protection de revenu en cas d’invalidité, etc.) ou des prestations de retraite. On peut aussi négocier pour avoir des jours de maladie payés, un cellulaire ou une carte de transport.
Certaines entreprises financent des formations, d’autres proposent des rabais, cartes cadeaux, abonnement au gym, ou même des actions si l’entreprise cotise en bourse.
Il est aussi possible de négocier sur la flexibilité des horaires ou accéder à un service de garde d’enfants. Les vacances, assez réduites au Québec, de même que la possibilité de prendre des congés non rémunérés, sont aussi un levier de négociation important.
Par ailleurs, la négociation n’a pas lieu uniquement à l’embauche. Chaque évaluation de performance peut être une manière de demander une augmentation salariale. Là, il ne faut pas hésiter à dire pourquoi on mérite cette augmentation. Donc, il faut prendre bien note de ses réalisations afin d’être bien préparé pour sa prochaine évaluation et négocier un meilleur salaire !