
C’est à partir des années 1960 que l’improvisation, un théâtre sans texte ni costume ou décor, est devenue en vogue sur les scènes anglo-saxonnes. Au Québec, ce type de jeu a pris une forme inédite et bien particulière : le match d’impro. C’est Robert Gravel, un comédien membre du Théâtre expérimental de Montréal, qui en invente le concept en 1976.
Il s’inspire notamment du sport national, le hockey sur glace, dont il parodie les codes : arbitre qui siffle des fautes, spectacle découpé en périodes, (fausse) patinoire en guise de scène, etc. Le match d’impro oppose en outre deux équipes, dont les joueurs portent des chandails de couleur et sont identifiés par un numéro.
Les équipes de comédiens doivent donc improviser un sketch théâtral sur un thème choisi par l’arbitre, qui indique également une catégorie (drame, en chanson, à la manière d’un auteur, etc.), un nombre de joueurs et une durée (les sketches durent de 30 secondes à 8 minutes en général).
Les improvisations sont soit mixtes (elles mêlent des joueurs des deux équipes), soit comparées (chaque équipe présente son improvisation à tour de rôle). Le match d’impro est un spectacle interactif : le public est appelé à voter pour la meilleure équipe à l’aide d’un carton bicolore, qu’il brandit à la fin de chaque manche.
Des ligues aux quatre coins de la province
Face au succès populaire que rencontrent les premiers matchs d’impro, le Québec voit naître la Ligue nationale d’Improvisation (LNI) à Montréal en 1977. Cette ligue organise des tournées en France et dans plusieurs pays francophones, et monte même sur la scène du Festival d’Avignon pour présenter son format de théâtre d’improvisation.
De nombreuses autres ligues voient ensuite le jour dans la province. Plusieurs acteurs québécois bien connus du petit écran sont notamment passés par « l’impro », comme Claude Legault et Réal Bossé.
Aujourd’hui, le match d’impro théâtrale se pratique couramment en milieu scolaire, et presque tous les cégeps et universités ont leur ligue — il existe d’ailleurs une coupe universitaire dédiée à cette forme de théâtre.
Des ligues existent également dans de nombreuses villes de la province, où le recrutement a généralement lieu au printemps. Frileux à l’idée de jouer devant des spectateurs ? Des écoles de théâtre proposent aussi des cours et ateliers d’improvisation qui se donnent sans représentation publique.
Un concept ancré dans les traditions d’ici
Cinquante ans après l’invention du concept, des matchs d’impro font encore salle comble aujourd’hui, ici et ailleurs dans le monde. Ils ne se tiennent pas que dans des salles de spectacle : de nombreux bars, par exemple, accueillent ces matchs, avec dans leur public des personnes qui n’auraient peut-être jamais vu de théâtre autrement.
Si le concept est aussi populaire ici, c’est parce qu’il reprend plusieurs choses chères au cœur des Québécois : le hockey sur glace, certes, mais aussi la tradition orale, qu’on retrouve avec l’art du conte, et, surtout, l’humour.
Photo : Wikimedia Commons

À propos de Marie Pâris
Diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille (France) et formée en journalisme international à l'Université Laval à Québec, Marie est installée à Montréal depuis 2013. Elle spécialise notamment dans la culture, la gastronomie et les questions de société. En plus de travailler sur des sujets transatlantiques pour Immigrant Québec, elle écrit pour plusieurs médias à l'étranger et au Québec (Tastet, Le Devoir, Revue JEU...)
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