Il suffit de l’observer lors de la fête des travailleurs agricoles à Saint-Hyacinthe pour comprendre le personnage. Cette célébration, dont la 13e édition aura lieu cet été, rassemble des centaines de travailleurs agricoles lors d’une messe suivie d’un repas festif. John a réussi à y mettre de l’ambiance — les mariachis y étant pour beaucoup — afin que les pèlerins, croyants ou non, se sentent pleinement accueillis.
L’accompagnement des immigrants est son cheval de bataille tout au long de l’année. Il alimente notamment le réseau d’entraide dans la Montérégie en connectant les travailleurs étrangers avec les organismes de soutien.
Un gars de la campagne
Ce père de trois grandes filles est né à la campagne à Victoria, dans le département de Caldas, en Colombie. Avant de pelleter la neige au Québec, il a travaillé la terre de son pays : sa famille possédait une ferme de café, transformée plus tard en une production de cacao en raison du réchauffement climatique.
Après avoir migré vers la ville pour ses études, il a dû intégrer l’armée. « Ce n’est pas une expérience très positive. Ils t’apprennent comment utiliser les armes, comment tuer », raconte-t-il, lui qui cherchait plutôt des manières d’aider les autres. « Dans mon enfance, j’ai beaucoup souffert de la violence conjugale, la violence dans mon entourage… Des gens se sont fait tuer pour n’importe quelle cause », poursuit-il. Il a ensuite fait partie des scouts, de la Défense civile, puis a alors demandé à Dieu quelle était la meilleure façon d’aider. C’est à ce moment qu’il a choisi de se joindre à une communauté de missionnaires.
Le Québec, un nouveau chapitre
Lors d’un séjour d’études au Québec, John a pu partager son expérience en tant que missionnaire colombien et apprendre le français. À la fin de son parcours théologique, il a rencontré celle qui est devenue sa femme. « Finalement, j’ai laissé ma vie de prêtre missionnaire et je me suis marié ». Un mariage en Colombie et quelques années d’attente plus tard, il a remis les pieds au Québec pour y rester. Dans une société généreuse et respectueuse, pense-t-il.
On l’a embauché au diocèse de Saint-Hyacinthe et c’est ainsi qu’il a commencé à accompagner les immigrants, latino-américains surtout, afin qu’ils aient accès à des ressources aussi bien matérielles que spirituelles. De porte en porte, il apaisait les souffrances de ceux qui, loin de leurs familles, avaient fait beaucoup de sacrifices.
Trouver un sens aux blessures
« Je pense toujours que quand on fait quelque chose pour quelqu’un, on aide la personne, mais nous aussi on se sent enrichi, nous aussi on apprend, nous aussi on reçoit. C’est un va-et-vient. »
John Jairo Sánchez
Les temps ont changé, pour le mieux
Bien que l’immigration connaisse actuellement une zone de turbulence au Québec et dans le reste du Canada, John arrive à voir le bon côté des choses pour les immigrants de sa région : ils ont accès à plus de ressources et sont plus conscients de leurs droits. « Quand j’ai commencé ici à Saint-Hyacinthe, les gens nous regardaient bizarrement, on avait de la misère à trouver un logement pour une famille. Tous les propriétaires de logements voulaient qu’on signe le bail avec un Canadien. Aujourd’hui, ils aiment beaucoup les Latinos, ils trouvent qu’ils sont propres. Mais oui, en Colombie on passe la moppe trois fois par jour ! », dit-il en riant.
Le diacre permanent, installé au Québec depuis vingt ans et des poussières, ne s’assoit pas sur ses lauriers. Il s’engage quotidiennement auprès des immigrants et de la jeunesse et rêve de constituer une équipe de soutien moral et spirituel dans des régions plus éloignées, où les travailleurs peuvent parfois se sentir isolés. Il continue de propager un message d’espoir avec son sourire sincère et son accent colombien qu’il porte fièrement.
Photo : John Jairo Sánchez