Les gouvernements du Québec et du Canada ont récemment annoncé des mesures de soutien aux résidents temporaires dont le statut est mis en danger par la pandémie. Mais quel est leur impact réel pour les milliers de personnes concernées ? Nous intéressons aujourd’hui au cas des étudiants étrangers.
La pandémie de coronavirus a frappé sans distinction les Québécois, de même que les résidents temporaires étrangers présents au Québec. Mais, pour ces derniers, beaucoup d’entre eux, la déconvenue de l’arrêt des cours ou de la perte d’un emploi s’est accompagnée d’une question simple : cela remet-il en cause mon statut d’immigration, et donc mon droit de demeurer sur le territoire ?
En effet, les conséquences de la pandémie ont révélé la précarité particulière du statut de nombreux résidents temporaires, au point que Québec et Ottawa ont dû intervenir pour tenter de contenir l’inévitable hémorragie des talents internationaux qui avaient fait le choix de la province francophone.
Des mesures pour les étudiants étrangers
Pour un étudiant étranger, les choses sont a priori assez simples. Les autorités leur délivrent un Certificat d’acceptation du Québec (CAQ) pour études (au provincial), puis un permis d’études (au fédéral) correspondant à la durée du programme auquel ils sont inscrits.
Mais un changement porté à ce programme (interruption, allongement, etc.) n’entraîne de modification corollaire ni du CAQ ni du permis d’études : pour pouvoir maintenir leur statut au Québec, les étudiants étrangers doivent, en principe, demander un nouveau CAQ et un nouveau permis d’études pour pouvoir poursuivre leur programme depuis le Québec. En clair, ils doivent repayer pour un permis qui leur avait déjà été délivré.
Dans le contexte de la Covid-19, la situation est plus compliquée encore : les autorités acceptent les nouvelles demandes de permis d’études, mais les délais de traitement sont très fortement impactés. Difficile, dans ces conditions, de maintenir un statut. C’est pourquoi des mesures exceptionnelles ont été prises pour permettre à certains étudiants de demeurer légalement au Québec en attendant la reprise des cours, mais aussi de permettre de démarrer leur programme à ceux qui ne sont pas encore en mesure d’entrer au Québec.
Au provincial : prolongation de la durée de validité de certains CAQ
Le 30 avril dernier, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a annoncé la mise en place de mesures visant à faciliter les démarches administratives de certains étudiants qui remplissent trois conditions, en plus de celles généralement prévues :
- leur CAQ et le permis d’études arrivent à expiration entre le 30 avril 2020 et le 31 décembre 2020,
- ils ont besoin de prolonger leur séjour au Québec pour terminer le programme auquel ils sont inscrits, et
- ils présentent leur demande avant le 31 décembre 2020, date d’expiration de la mesure.
Dans ce cas, les étudiants étrangers n’ont pas besoin de demander un nouveau CAQ : ils peuvent présenter directement leur demande de permis d’études au fédéral, à l’appui d’un CAQ, même expiré. Il sera alors conseillé de joindre une lettre explicative au dossier.
C’est une bonne nouvelle, si l’on considère les délais d’obtention d’un CAQ actuellement, d’autant qu’on peut ainsi supposer que les étudiants dont le CAQ expirait le 30 avril, et qui n’avaient sans doute pas attendu cette date pour demander sa prolongation, ont pu faire usage de leur CAQ expiré pour lancer directement la demande de permis au fédéral. Nous n’avons cependant pas d’information concernant la possibilité, pour ces demandeurs, de se faire rembourser les frais engagés inutilement pour prolonger leur CAQ (116 $ CAN).
De même, on imagine que ceux dont le CAQ expire fin août 2020 étaient eux aussi sur le point et d’entamer les démarches de prolongation aux alentours du 30 avril, afin de prendre en compte le glissement des délais de traitement des demandes de permis d’études, au fédéral. Il est généralement conseillé, dans tous les cas, d’entamer les démarches de renouvellement au moins 3 mois avant expiration de son permis actuel ; il n’est pas déraisonnable, en période de pandémie, de prévoir plus large que ça.
Car, dans tous les cas, cette mesure provinciale doit être appréciée au regard du volet fédéral, c’est-à-dire la demande formelle de permis d’études. Or, à ce jour, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) n’a pas mis en place de mesure similaire au gouvernement québécois.
Au fédéral : soutien encore mesuré aux étudiants étrangers
Des mesures complémentaires sont actuellement à l’étude à IRCC pour « développer les instructions quant au renouvellement du permis d’études ainsi que l’harmonisation de ses programmes dont le Programme du permis de travail postdiplôme ». Mais en l’absence de développement à ce sujet, ce sont les mesures par défaut qui s’appliquent.
En d’autres termes, les étudiants étrangers dont le permis d’études a expiré depuis le 30 avril 2020, ou expirera d’ici au 31 décembre 2020, doivent présenter une nouvelle demande s’ils souhaitent maintenir ce statut au Québec, en sachant qu’aucun permis, de travail ou d’études, ne sera délivré au point d’entrée terrestre, et ce jusqu’à nouvel ordre. Les tours du poteau sont donc à proscrire impérativement.
Lorsque l’étudiant étranger présente sa demande de prolongation du permis d’études (avant expiration du permis en cours de validité), il bénéficie toujours du statut implicite. En clair, il est réputé maintenir son statut d’étudiant avec tout ce que cela implique, notamment le droit de travailler sur et hors campus lorsqu’ils y sont autorisés. À noter d’ailleurs que les étudiants qui fournissent un service essentiel peuvent même, jusqu’au 31 août 2020, travailler plus de 20 h par semaine.
Mais le statut implicite n’est jamais une solution satisfaisante. Quitter le territoire, même pour raison de force majeure, entraîne bien sûr la perte de ce statut. Mais plus grave en période de pandémie, les étudiants étrangers qui bénéficiaient de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) perdent leur couverture et doivent se tourner vers des régimes d’assurance privés, le temps de recevoir leur nouveau permis d’études.
Information importante concernant l’accès au permis de travail postdiplôme (PTPD), notamment pour les étudiants étrangers qui sont dans l’impossibilité de se rendre au Québec au moment de commencer leurs cours : vous pouvez valider jusqu’à 50 % de votre programme depuis l’étranger, sous forme de cours en ligne, par exemple. Cette règle n’est pas propre au contexte de la pandémie, mais elle permet de garantir que le temps passé à étudier sera bel et bien comptabilisé pour déterminer la durée de votre PTPD. Les seules conditions à remplir sont d’être titulaire d’un permis d’études ou dont le permis d’études a été approuvé pour un programme démarrant en mai ou juin, et que l’étudiant soit dans l’impossibilité de quitter son pays d’origine.
Le ministère québécois de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) s’est lui aussi dit ouvert à permettre que les cours puissent être suivis à distance, alors que le facteur de présence physique de l’étudiant est généralement obligatoire. À nouveau, l’étudiant étranger devra être dans l’impossibilité de venir au Québec. Mais à ce jour, aucun communiqué officiel ne vient valider cette position.
Dans quel cas de figure les étudiants normalement inscrits pourraient-ils être dans l’impossibilité de se rendre au Québec ? Quel est l’impact de ces mesures sur un conjoint de fait ou un époux rattaché à un permis d’études ? Certaines questions demeurent.
Les questions qui demeurent
La première question posée est celle des facteurs qui pourraient empêcher les étudiants étrangers de venir au Québec (outre l’absence de vols commerciaux). Pour commencer, il faut que l’étudiant étranger bénéficie d’une exemption aux restrictions de voyage au Canada et se conforme aux mesures sanitaires en vigueur. Mais une part de la décision de laisser ou non entrer l’étudiant étranger sur le territoire sera entre les mains de l’agent d’immigration. Par exemple, si l’établissement auquel l’étudiant est inscrit a pris des dispositions pour remplacer les cours en présentiel par des cours en ligne, cela est susceptible d’invalider le caractère essentiel de l’entrée de l’étudiant sur le territoire.
Mais la question sans doute la plus importante est celle de la situation du conjoint de fait ou de l’époux-accompagnant, dont le permis de travail ouvert est rattaché, et donc dépendant, du permis principal d’études.
Dans le cas d’une première entrée sur le territoire, c’est-à-dire où le demandeur principal se présente au bureau d’immigration avec sa lettre d’introduction émise avant le 18 mars, la question est compliquée, puisque ce permis est normalement délivré par le bureau, à l’aéroport. Le conjoint sera soumis aux mêmes critères de restriction, et sera ainsi évalué le caractère essentiel de son entrée sur le territoire. Le taux de chômage au Québec étant passé de 4,5 % en février 2020 à 17 % fin mai 2020, le caractère essentiel d’un nouveau demandeur d’emploi pourrait bien prêter à discussion.
Dans le cas d’une demande de prolongation du permis d’études faite depuis le Québec, le conjoint en permis ouvert bénéficie lui aussi du statut implicite, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue au sujet du permis d’études. Le renouvellement du permis d’études entraîne généralement celui du permis de travail du conjoint, et ce dernier peut donc continuer à travailler.
Enfin, dans le cas du rattachement du conjoint de fait ou de l’époux à un PTPD, notamment lorsque les cours ont été suivis et validés à distance, la réponse est plus floue. En effet, pour pouvoir procéder à un tel rattachement, le demandeur principal a deux options :
- en amont : produire, au moment de sa demande, une promesse d’embauche à temps plein d’un employeur québécois
- en aval : après obtention de son PTPD, démontrer qu’il occupe un emploi à temps plein (produire 3 fiches de paie, une attestation d’embauche, etc.).
Or, il est entendu que si l’accès au PTPD par l’étudiant étranger diplômé du Québec ne semble pas remis en cause, et ce même s’il a suivi des cours depuis son pays d’origine, trouver rapidement un employeur risque de présenter quelques difficultés dans le contexte actuel. Ainsi, le rattachement des conjoints et époux pourrait bien en pâtir, dans les temps à venir.