Alors qu’approche la date fatidique du 1er juillet, l’inquiétude grandit parmi de nombreux locataires montréalais. Loyers en hausse, taux d’inoccupation des logements bas, il est aujourd’hui de plus en plus difficile de trouver le bon appartement, au bon prix. Le contexte actuel laisse-t-il vraiment craindre une crise du logement alors que plane toujours le spectre de celle du début des années 2000, où des familles entières s’étaient retrouvées à la rue, faute d’avoir trouvé un logement à temps ?
Dans son Évaluation du marché de l’habitation — RMR de Montréal, 2e trimestre 2019, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) note « des signes modérés de surchauffe du marché de l’habitation », ainsi qu’un « faible niveau de vulnérabilité ». Reste que, dans les faits, la situation est inédite pour beaucoup d’immigrants récents, qui étaient habitués à trouver facilement un toit à Montréal. Pour peu que l’on cherche un appartement de deux chambres dans un arrondissement central et proche du métro, le parcours de santé s’est transformé en parcours du combattant.
La fin de l’âge d’or du logement à Montréal ?
Pendant longtemps trouver un logement à Montréal, que cela soit un studio individuel ou un appartement familial, se faisait presque d’un claquement de doigts. Quelques visites et un dossier en ordre étaient souvent suffisants pour trouver son bonheur. La métropole a même longtemps été considérée comme l’une des grandes villes les plus abordables du Canada.
Seulement voilà, depuis l’année dernière le vent tourne. Très rapidement. Les signes d’une potentielle crise du logement ne trompent pas : des annonces vues plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux ou les sites spécialisés, des files d’attente devant des appartements le jour des visites, sans parler de la nette augmentation des loyers depuis quelques mois et de la chute du taux d’inoccupation, qui se situe aujourd’hui aux alentours de 1,9 % dans l’île de Montréal.
La situation ne s’arrange pas quand on est en couple, en famille ou que l’on a des animaux de compagnie. « Nous venons d’avoir notre deuxième enfant et comptons déménager dans un 4 ½ voire un 5 ½, mais quand on voit passer des annonces pour des appartements à 2 000 $ CAN ou plus, c’est vite décourageant. Un propriétaire nous a même fait comprendre qu’avec deux enfants en bas âge nous étions trop bruyants… », déplore Marc Bromeau. Français d’origine, il en est à son troisième appartement en cinq ans dans la métropole. Il assure qu’il n’a jamais eu autant de difficulté à se loger. Plusieurs organismes, comme le FRAPRU, tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme. La ville dit également suivre la situation de près et communique sur les réseaux sociaux des avertissements d’une éventuelle pénurie de logements.
Un contexte particulièrement sensible
Mais comment expliquer ce contexte particulièrement sensible à quelques semaines du 1er juillet ? Comment la stabilité du marché locatif a-t-elle pu se dégrader si rapidement ? Pour Francis Cortellino, économiste à la SCHL, les facteurs des prémices d’une crise du logement sont multiples. « On assiste à un resserrement du marché locatif ces derniers mois. En ce qui concerne la grande région de Montréal, on peut d’abord l’expliquer par l’arrivée d’un nombre plus important de travailleurs temporaires, d’étudiants étrangers et de réfugiés. En moyenne, on compte entre 25 000 et 30 000 personnes qui s’installent dans la région chaque année, mais en 2018 ce sont près de 52 000 personnes qui ont posé leurs valises ici. Alors forcément il y a plus de pression sur le marché ».
Mais ce n’est pas tout. Dans un récent rapport, la SCHL met également en lumière le rôle des jeunes ménages montréalais. Ils sont aujourd’hui moins nombreux à accéder à la propriété et restent plus longtemps locataires qu’il y a encore quelques années. Il y a aussi l’impact des locations à court terme type Airbnb,« mais c’est un phénomène à considérer avec précaution, notamment parce qu’il se concentre dans certains quartiers — voire certaines rues. Il reste encore difficile à évaluer », estime Francis Cortellino. Enfin, l’augmentation considérable du loyer joue également un rôle dans la crise, selon le rapport de la SCHL on constate une hausse de 2,5 à 3 % du loyer moyen en fonction du secteur et du type de biens.
Reste que si la situation actuelle laisse craindre des secousses aussi violentes que la crise du logement des années 2000, le contexte d’aujourd’hui n’est pas le même rappelle l’économiste de la SCHL : « au début des années 2000, il y avait peu de construction d’appartement locatif à Montréal, la mode était au condo. C’est cette pénurie qui précipite la crise. Aujourd’hui, la situation est paradoxale, il y a de plus en plus de constructions locatives, pourtant la demande est encore plus forte que l’offre depuis quelques mois ».
Bouche-à-oreille et petites annonces
Dans ce contexte, comment mettre toutes les chances de son côté ? Tout commence par vos techniques de recherche et une bonne connaissance du fonctionnement du marché locatif au Québec.
Les baux locatifs au Québec sont tous signés du 1er juillet au 30 juin. C’est ainsi que tous les candidats au déménagement se retrouvent en même temps à chercher un logement, dès le mois de mars (puisque c’est au terme de ce mois que vous devez, en théorie, indiquer à votre propriétaire votre intention de renouveler ou non le bail pour l’année suivante).
Les petites annonces, c’est bien, mais une référence par le bouche-à-oreille, c’est mieux. Cela vous donnera une longueur d’avance pour vous positionner seul sur un logement, voire mieux : vous faire céder le bail d’un logement par un locataire qui souhaite partir avant son expiration. N’hésitez donc pas à passer le message autour de vous. À l’image d’une recherche d’emploi, activer son réseau pour se trouver un logement peut être très payant et beaucoup moins stressant.
Si vous optez pour le flux incessant des petites annonces diffusées sur les réseaux sociaux et les sites spécialisés comme Kangalou, ou encore des sites généralistes de type LesPAC ou encore Kijiji, pensez à privilégier les annonces récentes et prenez contact sans attendre avec l’annonceur pour visiter les lieux, sans vous fier au nombre de vues ou de commentaires. Un appartement peut en cacher un autre, et il n’est pas rare que le contact d’une annonce ait la gestion locative de plusieurs logements, qui pourraient vous être proposés alternativement. Soyez donc prêt à réagir rapidement.
Les règles d’or : se démarquer et être prêt à signer
La tentation est toujours forte d’envoyer le même message à toutes les annonces. Mais l’heure est plus que jamais à la personnalisation — voire à l’originalité. Lisa, en recherche de colocation, l’a bien compris : « après plusieurs messages sans réponse, j’ai fait deux courtes vidéos pour présenter ma recherche. L’idée était de me démarquer et d’être un peu drôle. Et puis cela permet aux autres colocataires de mettre un visage sur un nom ». Vidéos, mais aussi messages sous forme de CV ou lettres de motivation humoristiques, tout est aujourd’hui bon pour se démarquer et sortir du lot.
Une fois le rendez-vous fixé pour une visite, le plus important est de vous assurer que votre dossier est solide et accessible : contrat de travail, fiches de paie, recommandation du propriétaire de son ancien logement… Sachez aussi que le propriétaire est en droit de réaliser une enquête de crédit pour vérifier que vous êtes un bon payeur. En revanche, il ne peut pas vous demander de caution/dépôt de garantie : cette pratique est illégale, au Québec.
Le plus important reste de ne pas se décourager et de revoir peut être ces attentes : si certains logements et quartiers subissent de plein fouet ce début de crise, d’autres restent malgré tout plus abordables et moins achalandés lors des visites. Soyez ouverts : il ne tient qu’à vous de découvrir une autre facette de la métropole.