Des idées, vous vous en faites forcément — et c’est bien normal. C’est même nécessaire : ce sont précisément ces idées qui vous décident à vous lancer dans un projet d’émigration.
Personne ne vous reprochera de ne pas tout connaître du Québec et des Québécois à votre arrivée. Mais certains biais ont la vie dure, même parmi les personnes immigrantes déjà installées. Vous seriez avisé de considérer avec réserve la représentation que les autres ont du Québec, et prendre le temps de bâtir votre propre grille de compréhension des codes et valeurs qui rythment la vie ici.
1. Le Québec, c’est le Canada
La distinction ne se pose pas forcément pour les nouveaux arrivants. Après tout, le Québec n’est pas un État souverain, il est l’une des 13 provinces et territoires du Canada. Pour autant, le Québec présente des caractéristiques identitaires fortes et qui lui sont propres.
La langue française, bien sûr, qui est la seule au Canada à avoir officiellement adoptée à titre exclusif, dans une province qui paraît comme un îlot de francophonie au milieu d’un océan anglophone (et hispanophone). Le Québec a aussi sa fête nationale, que l’on célèbre le 24 juin (même si le 1er juillet, fête nationale du Canada, est chômé) ; son identité, qu’évoque notamment sa devise, Je me souviens (que né sous le lys, je croîs sous la rose) ; son drapeau, le fleurdelysé, qui ne nécessite pas l’œil d’un expert en symboles pour apprécier ce qui le différencie de celui du Canada… On pourrait continuer.
Le Québec n’est (de loin) pas la seule province qui peine à se définir par le pays auquel elle appartient. On pourrait dire que c’est là l’apanage des fédérations ou des confédérations d’États qui s’étendent sur des territoires très étendus, comme le Canada ou les États-Unis, où l’on perçoit des régionalismes très forts.
Quoi qu’il en soit, évitez de dire à un Québécois qu’il est canadien. Au Québec, on est québécois. Et vous-même êtes un immigrant… québécois.
2. Le Québec est une société individualiste
Le Québec partage beaucoup de traits avec le reste de l’Amérique du Nord : respect de la propriété privée et des biens d’autrui, société de consommation basée sur le crédit et l’endettement… On la décrit souvent comme une société individualiste, dans le sens où chacun s’assume et se préoccupe d’abord de son propre bien-être, sans rien attendre des autres : au restaurant ou au bar, chacun paie sa part (surtout lors d’un premier rendez-vous galant) ; chacun apporte ce qu’il va faire cuire sur le barbecue au parc pour la fête de Maripier (et ne choquera personne en repartant avec ses restes)…
Pour autant, à bien des égards, le Québec est une société très collective, qui offre notamment :
- un régime de santé et une assurance médicaments universels,
- un congé parental très généreux à partager entre les deux parents, en plus des congés maternité et paternité,
- une assurance-emploi,
- l’école publique gratuite pour les moins de 18 ans (et un système de garderie subventionnée), ou encore
- une assurance en responsabilité civile mondiale avec le permis de conduire.
Il s’agit là de prérogatives des provinces. Or, la générosité du filet social au Québec, même si elle se paie avec l’impôt sur le revenu, contribue aussi à l’attractivité de la province pour de nombreuses personnes immigrantes et résidents canadiens.
3. Les Québécois sont ouverts et accueillants
Cette phrase, on l’entend tellement qu’elle est forcément vraie. N’est-ce pas ? Ce n’est pas si simple. On pourrait dire que, sur un territoire physiquement isolé du reste du monde comme l’est le Québec (et le Canada, d’ailleurs), un pays qui choisit chaque personne qu’il laisse entrer chez lui en fonction de ses critères et de ses priorités, l’ouverture et l’accueil ne sont pas des qualités qui sont particulièrement mises à l’épreuve.
Cela dit, on ne peut pas reprocher au Québécois (ni au Canadien) de ne pas être ouvert et accueillant. Il faut juste éviter de tomber dans le piège de croire qu’on est ici au pays des Calinours (c’est comme ça qu’on appelle les Bisounours, ici) et que tout le monde est ami parce qu’on se parle facilement entre inconnus. L’étiquette d’ouverture est une source fondamentale d’incompréhension du Québec par les populations immigrantes, dès lors qu’elles se heurtent à la réalité des relations interpersonnelles en Amérique du Nord — en particulier avec les notions d’amitié et de cercles de relations. Il faut donc être vigilant.
Premier conseil, il ne faut pas confondre l’ouverture et la tolérance, qui est un trait identitaire essentiel au Québec, de même qu’une règle essentielle de vie en société (d’ailleurs encadrée par la Charte québécoise des droits de la personne). La tolérance rend-elle nécessairement quelqu’un d’ouvert ? Où tracer la limite entre la bienveillance et la simple indifférence ?
Et, de façon générale :
- Ne précipitez pas les choses, observez et respectez les usages ;
- Évitez de partir sur des débats clivants et de critiquer ouvertement les opinions des autres. Privilégiez le silence au désaccord en public ;
- Évitez le second degré, le sarcasme et autres traits d’humour latins avec des personnes qui ne vous connaissent pas. Le premier degré est la règle ;
- Les invitations à prendre l’apéritif ou à souper peuvent prendre plusieurs mois — et mieux vaut souvent laisser venir ! Prenez le temps de gagner la confiance de vos relations.
4. Mes diplômes seront reconnus au Québec
Le système d’éducation et les diplômes qui sanctionnent les études ne sont pas les mêmes au Québec qu’ailleurs. Les titres de vos diplômes ainsi que les universités ou les écoles (même prestigieuses) dans lesquelles vous les avez obtenus ne seront pas forcément évocateurs pour un recruteur québécois — ne le prenez pas personnellement.
Notez aussi que certains intitulés ne désignent pas la même formation générale. Par exemple, le baccalauréat québécois s’obtient au terme de trois années d’études universitaires.
Vous pouvez — si vous en avez vraiment besoin (pour postuler dans la fonction publique, reprendre des études ou intégrer un ordre professionnel par exemple) — demander une Évaluation comparative des études effectuées hors du Québec auprès du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). Cette procédure payante ne délivre pas d’équivalence de diplôme, mais une attestation de comparaison entre vos diplômes et ceux du Québec.
5. Je vais trouver facilement un emploi à la hauteur de mes compétences
S’il est facile de trouver une jobine alimentaire à son arrivée, il en va autrement de la recherche d’un emploi qualifié dans son domaine d’activité — surtout s’il s’agit d’une première expérience de travail au Québec. Voilà longtemps qu’on entend parler du Québec comme un Eldorado de l’emploi. Oui, la situation économique au Canada est favorable, et la rareté de la main-d’œuvre pose de nombreux défis entreprises ; mais il s’agit tout de même de comprendre la façon dont fonctionne le marché de l’emploi, ici.
Pour certains, trouver un emploi qualifié sera une formalité. Mais même à ceux-là, il restera tout de même le gros morceau : s’adapter aux codes du monde du travail. D’autres rencontreront des obstacles variés : manque d’expérience professionnelle au Québec, diplômes et expériences difficiles à transcrire par l’entreprise dans son mode opératoire, incapacité à rassurer sur son savoir-être et ses soft skills, manque de réseau…
Et tout cela n’est rien comparé à ce qui attend une personne immigrante qui compte exercer un métier ou une profession réglementée.
En clair, soyez prêt à occuper un poste de niveau modeste (voire à repartir de zéro), le temps de faire vos preuves et progresser. Cela peut être difficile à vivre pour des personnes ayant plusieurs années déjà à leur actif, qui pourront avoir l’impression de ne pas être embauchées à hauteur de leurs compétences. Mais qui a dit qu’émigrer au Québec était facile ?