Faute d’avoir pratiqué l’écriture, nous ne savons que très peu de choses des premières populations du Canada. En l’absence de constructions en dur, l’archéologie n’apporte que de rares éléments. Seules l’anthropologie et l’ethnologie, fondées à la fois sur la tradition orale (mais si fragile), sur la transmission de rites culturels et religieux, enfin sur les témoignages historiques des Européens, nous sont de quelque secours, toutefois imprécis et fragmentaires.
Selon l’approche linguistique longtemps dominante, une soixantaine d’idiomes amérindiens, déclinables en environ mille trois cents dialectes, ont pu être identifiés au Canada et regroupés en douze familles, parmi lesquelles prédomine l’algonquin.
En combinant les différents critères, territoriaux, relatifs aux moyens de subsistance, et tenant compte des organisations économiques et sociales en découlant, il est apparu, à la veille de l’arrivée des premiers Européens, que l’on pouvait distinguer trois grandes familles d’Amérindiens : les pêcheurs, vivant aux abords des lacs et des fleuves, les chasseurs sédentarisés dans les forêts, les nomades se déplaçant dans les vastes prairies du centre et du Sud.
Les chasseurs de l’Arctique et de l’actuel nord du Québec jusqu’au territoire du Nunavut, probablement originaires de Sibérie, furent longtemps appelés « Esquimaux », ce qui signifierait « mangeurs de viande crue », un terme jugé plus tard offensant et remplacé, en 1970, par celui d’« Inuits » selon une décision du gouvernement canadien.
Trois de leurs inventions ont rendu fameuse leur civilisation : le kayak, l’anorak et l’igloo.
Plus au sud, les chasseurs de la forêt boréale bénéficient de conditions climatiques moins défavorables et, partant, d’un plus grand nombre de ressources naturelles. Ce qui favorise l’éclosion d’une civilisation plus élaborée, aussi bien sur le plan économique, avec la confection d’outils perfectionnés, la fabrication de poteries, la construction de maisons en bois et, sur le plan culturel, avec la pratique de rites festifs, commémoratifs et religieux relativement perfectionnés. L’identification de leurs dialectes fait ressortir deux grandes familles linguistiques : l’athapascan, au nord-ouest, et l’algonquien, à l’est et au sud, principalement dans la vallée du Saint-Laurent. Ce dernier se décline en une vingtaine de langues vernaculaires utilisées par plusieurs peuples, principalement les Cris, les Micmacs, les Montagnais, les Innus (à ne pas confondre avec les Inuits), les Béothuks et les Algonquins (sans le e). On estime que chacun de ces peuples comprenait entre cent et quatre cents tribus, comptant d’une trentaine à deux ou trois centaines de personnes. Ce qui rend très approximative toute tentative de chiffrage global.
Dans la vallée du Saint-Laurent et aux abords des lacs du Sud vivent les « agriculteurs du sud », de langue iroquoienne. Chasseurs sédentarisés, ils tirent de l’agriculture jusqu’à 75 % de leur alimentation, cultivant le maïs, le haricot, la courge, le tournesol… Ils résident dans des villages placés au milieu des champs, pouvant compter jusqu’à deux mille habitants, composés de « maisons longues » atteignant trente mètres sur dix et rassemblant plusieurs familles.
Les tribus se regroupent en « nations » — ce qui donnera au gouvernement canadien l’idée de lancer, en 1970, les termes de « Premières Nations » — dont les cinq principales forment la « confédération iroquoise » qui agrège les Tsonnontouans, les Goyogouins, les Onneiouts, les Onontagués et les Agniers. Hors d’elle, certaines nations demeurent indépendantes, notamment celles des Hurons, des Ériés et des « Neutres ». Les conseils de tribus règlent les différends, qui sont nombreux, entre villages et, au niveau de la nation ou de la confédération, coordonnent la guerre et le commerce, la première intervenant le plus souvent comme débouché du second… Un système relativement stable, fonctionnant probablement depuis plusieurs siècles lors de l’arrivée des Européens, d’abord des Français.
Texte : Daniel de Montplaisir, auteur de Histoire du Canada, biographie d’une nation, Paris, Perrin, 2019.